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    Neuronavigation pour la stimulation magnétique transcranienne

    Médecine & Sciences du vivant
    Traitement d’images & Son
    Dans le cadre de la recherche pour une nouvelle thérapie de la dépression, une piste prometteuse s'ouvre avec une utilisation plus précise de la stimulation magnétique transcranienne. De nouveaux outils sont mis au point pour augmenter l'efficacité de cette technique.

    Visionner la vidéo – Durée : 7 min 12s.

    En France, la dépression est devenue un enjeu majeur de santé publique. Cette maladie touche en effet des milliers de personnes et frappe sans distinction d’âge, de classe sociale ou de sexe. Si elle n’est pas détectée à temps et prise en charge correctement, elle peut conduire les personnes qui en souffrent à des actes irréversibles. Jusqu’à présent, on obtenait des résultats plus ou moins probants selon les patients avec les traitements médicamenteux (antidépresseurs), les psychothérapies et les sismothérapies (électrochocs). Récemment, de nouvelles pistes se sont ouvertes dans la thérapeutique de cette pathologie, notamment avec la stimulation magnétique transcranienne ou TMS — Transcranial Magnetic Stimulation —, une technique utilisée dans la recherche en neurosciences.

    La stimulation magnétique transcranienne permet de stimuler les zones du cerveau impliquées dans la dépression, de manière non invasive et indolore pour le patient. Comment ? En appliquant à travers le crâne une impulsion magnétique sur le cerveau, grâce à une bobine placée à la surface de la tête. Le bon positionnement de cette bobine est donc un paramètre primordial dans l’efficacité de la TMS : elle est calibrée avant son utilisation, c’est-à-dire que le point focal de stimulation est repéré par rapport au marqueur fixe sur cette bobine. Le champ magnétique délivré par la bobine a une portée de 2 cm. C’est la raison pour laquelle on stimule une zone corticale, donc relativement superficielle car elle est située en moyenne à 1,6 cm en profondeur du cuir chevelu.

    Les champs magnétiques créés induisent alors un champ électrique qui modifie l’activité des neurones situés à proximité. L’utilisation la plus courante de la TMS est la stimulation répétitive dite rTMS : on stimule une zone précise pendant un intervalle de temps donné, de manière à modifier sensiblement l’activité de la région visée.

    L’efficacité de la neuronavigation par la TMS a pu être augmentée grâce aux outils de neuronavigation 3D temps réel mis au point par des chercheurs de l’équipe-projet VisAGeS commune à l’INRIA et à l’INSERM, et des psychiatres du CHS Guillaume Régnier de Rennes.

    Le traitement de la dépression par la TMS se fait en plusieurs étapes et nécessite des séances consécutives quotidiennes, dix au minimum. Suivant le protocole, la zone cible, le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL ) gauche, est stimulée à une fréquence de 20 Hertz, à 110% du seuil moteur, ce seuil étant déterminé à partir de la stimulation efficace du cortex moteur qui aboutit à une contraction du pouce contralatéral à la stimulation. Par ailleurs, les durées de stimulation sont courtes, dépassant rarement 2 secondes pour au moins 5 secondes de repos selon les protocoles.

    Pourquoi stimuler le cortex préfrontal dorsolatéral gauche ? Cette cible n’a évidemment pas été choisie sans raison. Des études en neuro-imagerie ont montré chez les patients déprimés une baisse de l’activité métabolique — diminution de l’utilisation du glucose pour la production d’énergie — dans cette zone précise. Des tests sur les animaux ont par ailleurs confirmé qu’une stimulation magnétique de cette zone entraînait dans les noyaux gris centraux, la libération de dopamine, une substance chimique impliquée dans le désir, la sensation de plaisir, etc.

    Atlas cytoarchitectonique de Brodmann.
    Les aires de Brodmann sont des délimitations du cortex du cerveau humain définies par Korbinian Brodmann sur une base cytoarchitectonique c’est-à-dire qu’elles correspondent à l’organisation structurale apparente du cortex (nombre de couches, épaisseurs des couches, arborisation dendritique, etc.). Ainsi, chaque région du cortex ayant la même organisation cellulaire porte un numéro allant de 1 à 52.

    En amont des phases de stimulation, les méthodes actuelles d’analyse d’images médicales permettent de faire un repérage automatique de la zone à stimuler, qui se trouve être l’interface entre les aires 9 et 46 de l’atlas cytoarchitectonique de Brodmann (voir schéma à droite). La localisation de cette zone requiert en effet une expertise neuroanatomique, ce qui nécessite alors un opérateur. Pendant les sessions de stimulation, une caméra binoculaire permet de suivre en temps réel et en 3 dimensions, le bandeau fixé sur la tête du patient, ainsi que la bobine de stimulation. Six points anatomiques remarquables sont repérés à la fois sur l’IRM du patient, ainsi que sur son crâne. Cela permet de calculer une transformation géométrique mettant en correspondance les deux repères. Ainsi, à l’instar d’un système GPS, la caméra binoculaire (le satellite) permet de suivre la bobine (la voiture) et d’en afficher la position sur l’imagerie IRM de référence (la carte routière).

    L’équipe-projet VisAGeS développe des outils et des méthodes de traitement d’image adaptés aux problèmes d’imagerie médicale. C’est donc tout naturellement qu’est apparue l’idée de développer un appareil de neuronavigation adaptable au système de TMS qui permettrait de repérer de manière très précise n’importe quelle région du cerveau.

    Pour comprendre tous les mécanismes d’action qui sous-tendent l’efficacité de la TMS, la route est encore longue. C’est là tout l’intérêt de cette technique, non seulement en tant qu’outil thérapeutique, mais aussi comme outil de recherche sur le cerveau grâce à sa capacité à inhiber ou exciter des zones focales du cortex. La recherche des mécanismes d’action de la TMS nécessitera l’apport de la neuro-imagerie moderne, grâce à l’imagerie de diffusion en particulier. Les résultats de ces travaux illustrent la rencontre entre la recherche en mathématiques et en informatique, la recherche médicale et le monde de la recherche clinique.

     

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    Pierre Hellier

    Chercheur Inria dans l'équipe VISAGES, en disponibilité chez Technicolor.
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    Cécilia Nauczyciel

    Interne en psychiatrie au CHS Guillaume Régnier de Rennes.
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    Christian Blonz

    Responsable du pôle réalisation audiovisuelle d'Inria.

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