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    D’APB à Parcoursup : quelles méthodes d’affectation post-bac ?

    Culture & Société
    Algorithmes
    Le dispositif « Parcoursup » de recueil des vœux d’affectation post-bac est ouvert aux inscriptions depuis lundi 22 janvier 2018. Il remplace le système d’Admission Post-Bac (APB) qui a fait la une des médias durant l’été 2017, alors qu’un certain nombre de bacheliers se trouvaient encore sans affectation dans l’enseignement supérieur. Suite à ce « fiasco », la profonde refonte d’APB avait été annoncée, accompagnée d’un changement de nom. C’est désormais chose faite avec Parcoursup. Quelles améliorations peut-on en attendre ?

    Mise à jour : la date limite pour formuler ses vœux en 2021 est le 11 mars…

    Cet article discute du rôle d’APB et de Parcoursup, des algorithmes et solutions historiquement utilisées avant leur existence, de ce qu’on pourrait espérer d’un système idéal, et enfin de quelques difficultés et écueils à éviter. Plus qu’une analyse de spécialiste, il s’agit également de tenter de démêler ce qui relève de la technique de ce qui est d’ordre politique.

    De quoi s’agit-il ?

    Le problème général auquel APB et désormais Parcoursup tentent d’apporter une solution est une variante du problème dit « des mariages ». Étant donnés deux groupes de personnes (traditionnellement on peut penser à un groupe de filles et un groupe de garçons, tous supposés monogames et hétérosexuels pour les besoins de la simplification !), chacun exprime ses préférences vis-à-vis de l’autre groupe, et il s’agit de proposer les couples les mieux appariés. Dans le cas idéal, facile, il y a autant de filles que de garçons, et les préférences des unes et celles des autres sont si compatibles que chacun peut être marié à son partenaire préféré. Les choses se compliquent si une personne de l’un des groupes est très populaire dans l’autre, ou s’il n’y a pas autant de garçons que de filles…

    Dans le cas de l’affectation post-bac, il y a deux groupes : le groupe des élèves et celui des filières.

    APB avait pour but d’apparier au mieux les préférences des élèves et des filières. Idéalement on aimerait en effet donner entière satisfaction à tout le monde mais, comme on l’a vu, ce n’est manifestement pas toujours possible : toutes les filières ne sont pas aussi populaires et tous les élèves n’ont pas les mêmes matières de prédilection.  Que faire ? À quels compromis faut-il donc se résoudre ?

    Comment faisait-on avant APB ?

    Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine où l’informatique n’était pas encore omniprésente, chaque élève émettait sa liste de vœux en remplissant un dossier papier (rose). Son dossier scolaire, toujours en version papier, était envoyé à la filière associée au premier vœu de la liste. Cette filière pouvait accepter sa candidature, ou bien la refuser et transmettre le dossier à la filière associée au second vœu, et ainsi de suite.

    Outre la longue durée du processus, qui nécessitait l’étude et la transmission successive des dossiers papier de filière en filière, cette façon de faire impliquait que, lors de l’étude du dossier d’un ou une élève, chaque filière avait accès non seulement au dossier scolaire proprement dit, mais également à l’ensemble des préférences de cet ou cette élève vis-à-vis des différentes filières.

    Imaginez l’équivalent dans le cas de l’organisation de couples en vue de mariages : Bernard, par exemple, serait-il prêt à accepter une proposition d’Alexandra s’il sait qu’il n’est que son vingtième choix ? Alexandra n’en tirerait-elle pas des conséquences dans l’expression de ses préférences, pour limiter le risque de se retrouver seule ? Ou vice-versa ?

    De même, il est vraisemblable que le simple fait que les filières aient accès aux préférences des élèves incitait ceux-ci (et leurs parents et professeurs) à s’improviser « stratèges » dans la formulation de leur liste de vœux, au lieu de sincèrement dresser la liste reflétant leurs préférences.

    Comment faisait-on avec APB ?

    Une caractéristique affichée du système APB, qui le distinguait du processus pré-informatique, était que :

    • chaque filière recevait les dossiers de tous les élèves qui l’avaient classée parmi leurs vœux ;
    • l’ordre des vœux des élèves était confidentiel : les filières n’en avaient pas connaissance et classaient les élèves sur la seule base de leurs dossiers scolaires, sans avoir connaissance de leurs préférences. Dans les faits, ce n’était pas tout à fait le cas. Nous y reviendrons.

    Chaque élève exprimait ses préférences sous forme d’une liste de vœux classée indiquant les établissements où elle ou il souhaitait faire ses études supérieures.

    Par exemple, Alice a classé par ordre de priorité :

    1. la classe préparatoire en Arts Appliqués ;
    2. la licence de Biologie ;
    3. l’IUT de Chimie.

    Chaque filière accédait aux dossiers scolaires de tous les élèves qui l’avaient placée dans leur liste de vœux. Sur la base de critères qui lui étaient propres (les compétences souhaitables en arts appliqués et en chimie sont différentes), chaque filière établissait un classement de ces dossiers.

    Par exemple, la filière Biologie a classé 1) Chiara 2) Bastien 3) Alice.

    Les décisions de « marier » élèves et filières n’étaient alors plus effectuées par les filières, puisque celles-ci ne connaissaient pas les préférences des élèves. C’est le « système APB » qui s’en chargeait. Concrètement, une base de données informatique stockait d’une part les préférences exprimées par les élèves, d’autre part le classement des dossiers des élèves effectués par les filières. Le logiciel de mariage d’APB interrogeait cette base de données pour proposer des affectations qui tâchaient de « satisfaire au mieux » tout le monde (élèves et filières). Mais quel en était le principe ?

    L’algorithme des « mariages stables » : éviter les frustrations inutiles

    À défaut de pouvoir parfaitement satisfaire chaque élève (en le retenant pour sa filière « préférée ») et chaque filière (en lui affectant les élèves dont elle a classé les dossiers en tête), on peut se demander s’il est au moins possible de s’assurer d’éviter les frustrations inutiles.

    Supposons qu’Alice soit affectée à la filière Chimie, et que Bastien ne soit pas retenu dans cette filière. On voudrait alors être sûr que :

    • soit Alice était mieux classée par cette filière que Bastien. Ainsi, Bastien n’a pas à se plaindre, et la filière Chimie est contente d’avoir recruté Alice plutôt que Bastien ;
    • soit Bastien a été retenu dans une autre filière (disons : Arts Appliqués) qu’il avait mis avant la Chimie dans sa liste de vœux. Il n’a donc pas de raison d’être frustré.

    La bonne nouvelle est que c’est bien possible : David Gale et Lloyd Shapley ont montré en 1962 qu’il existe toujours une solution au problème des mariages qui a la propriété de « stabilité » : tout changement d’affectation d’une paire quelconque d’étudiants par rapport à cette solution amènerait une des filières ou l’un des étudiants concernés à s’y opposer.  Gale et Shapley ont par ailleurs trouvé un algorithme (dit « algorithme des mariages stables ») qui calcule une solution « stable » au problème. Comme il peut exister plusieurs solutions stables, il existe des variantes de l’algorithme garantissant que la solution choisie est :

    • soit « optimale » du point de vue des élèves,
    • soit « optimale » du point de vue des filières,

    … mais pas pour les deux à la fois !

    Nous n’entrerons pas dans les détails mais le lecteur et la lectrice intéressés pourront consulter par exemple la page Wikipedia sur le sujet.

    – chaque élève établit sa liste exhaustive de vœux
    – chaque filière établit son classement exhaustif des élèves

    – au départ, aucune affectation n’est prononcée
    – tant qu’il existe un élève non affecté dans une filière
    – prendre un élève e non encore affecté
    – identifier sa filière préférée f parmi celles auxquelles sa possible affectation n’a encore jamais été testée
    – s’il reste une place dans la filière f, affecter l’élève e à cette filière
    – sinon :
    – si un élève e’ déjà affecté à la filière f est moins bien classé par f que e, alors :
    – retirer à e’ son affectation à la filière
    – affecter e à la filière f
    – sinon :
    – ne rien faire

    Comme un élève ne se voit jamais proposer deux fois la même filière, l’algorithme s’arrête forcément au bout d’un nombre fini d’étapes, même si cela ne paraît pas évident au vu de l’instruction « ne rien faire » (plus de détails sur l’algorithme de Gale-Shapley ici). Par ailleurs, la solution donnée par l’algorithme est toujours stable, mais elle peut dépendre de l’ordre de tirage des élèves.

    L’algorithme des mariages stables a été mis en place pour le concours à l’issue de la première année commune des études de santé (PACES), dans sa variante qui aboutit de façon garantie à la solution favorable aux étudiants. Cela semble raisonnable vis-à-vis des filières, puisque des étudiants satisfaits de leur affectation sont vraisemblablement plus motivés pour leurs études futures.

    Le processus APB, de la théorie à la pratique

    Dans un monde idéal, l’algorithme mis en œuvre dans le logiciel APB aurait été exactement celui des mariages stables. La solution qu’il fournissait aurait été la meilleure ou du moins, la moins mauvaise : rappelez-vous, on ne peut satisfaire tout le monde, on peut seulement s’assurer qu’il n’y a pas d’autre affectation qui soit au moins aussi bonne pour tout le monde.

    Dans la pratique, le processus APB qui a été mis en œuvre ressemblait dans les grandes lignes à l’algorithme des mariages stables… mais il en différait tout de même par quelques aspects.

    D’abord, l’algorithme des mariages stables part du principe que chacune des parties exprime librement ses préférences sans tenir compte de celles de l’autre partie, et donc évite a priori les stratégies d’autocensure. C’était presque le cas dans APB … à une nuance importante près : comme indiqué dans le Guide du Candidat 2017 (PDF, page 9) “une licence dite « en tension » (c’est-à-dire qui reçoit plus de candidatures qu’elle n’offre de places) n’est proposée que si elle est classée dans les premiers vœux du candidat, voire en vœu n°1 pour les licences où cette tension est particulièrement importante comme la PACES et les licences les plus demandées (STAPS, droit et psychologie).” Ces filières « non sélectives mais en tension » pouvaient en pratique utiliser l’ordre des vœux des élèves pour classer leurs dossiers, comme dans la lointaine galaxie (tristement dépourvue d’informatique) évoquée précédemment !

    Ensuite, l’algorithme des mariages stables nécessite que chaque élève ordonne ses vœux pour toutes les filières, et que chaque filière classe les dossiers de tous les élèves. De façon pragmatique, ce n’est manifestement pas possible… et heureusement pas demandé dans APB :

    • la longueur de la liste de vœux de chaque élève était limitée : il pouvait donc se retrouver dans la situation où aucun de ses vœux n’était exaucé (s’il avait « visé trop haut » ; ndr : « trop haut » ou « trop bas » sont ici entendus au simple sens de l’adéquation entre le dossier scolaire de l’élève et les niveaux scolaires de recrutement habituels des filières visées, qui restent confidentiels), ou bien manquer l’occasion d’être recruté dans une filière à laquelle il aurait pu prétendre (en cas d’autocensure) ;
    • chaque filière n’étudiait donc qu’un sous-ensemble des dossiers des élèves ; une filière pouvait donc aussi se retrouver dans la situation où elle n’arrivait pas à remplir ses effectifs, une trop grande partie des élèves dont elle avait pu étudier les dossiers ayant été recrutés dans d’autres filières qu’ils avaient préférées.

    C’est la situation qui s’est produite l’été 2017 et qui a donné lieu à des gros titres dans les médias. C’est certainement en prévision de cette possibilité, certes non souhaitable, qu’une procédure dite « complémentaire » était prévue dès le départ pour mettre en relation ces élèves et ces filières.

    APB, Parcoursup :  bien plus que des algorithmes !

    Nous avons jusqu’ici parlé de « processus APB », de « dispositif Parcoursup » mais de quoi s’agit-il ? Ce qu’on désigne couramment sous ces noms désigne en fait implicitement à la fois :

    • les règles régissant le mécanisme de décision, définies au niveau ministériel,
    • et leur mise en œuvre via des algorithmes implémentés dans une infrastructure logicielle.

    Le code d’APB

    Comme on l’a évoqué, dans le problème des mariages stables, il existe des situations où plusieurs mariages stables sont possibles, certains plus favorables aux étudiantes et étudiants, d’autres aux filières. On peut espérer que l’algorithme implémenté dans APB était plutôt la version optimale pour les élèves, mais il est difficile de savoir exactement comment la moulinette fonctionnait, à moins d’avoir un accès libre à son code informatique, et que celui-ci soit clairement documenté.

    Des progrès dans cette direction ont été obtenus grâce aux démarches effectuées auprès de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) par une association de lycéennes et lycéens, et aux recommandations de la mission Etalab mandatée par le secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

    L’accès ouvert au code des algorithmes dont les résultats sont utilisés pour prendre « une décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne », est une exigence citoyenne croissante et légitime, comme l’a rappelé récemment la CNIL. Il s’agit d’assurer la transparence des décisions algorithmiques concernant les vies des citoyens, en rendant notamment possible la vérification de la légitimité des règles appliquées et de la conformité des algorithmes aux règles annoncées.

    Si pour les concitoyens formés à l’informatique, une telle vérification est sans doute réalisable individuellement, des professionnels de confiance ou des associations peuvent sans doute servir de relais pour les autres, comme lorsqu’il s’agit d’avoir accès au droit.

    Les modalités du dispositif Parcoursup sont toutes fraîches. À défaut de disposer de beaucoup plus de détails, voici un résumé des informations qui vont nous permettre une comparaison dans les grandes lignes entre ce nouveau dispositif et APB :

    • entre le 22 janvier et le 13 mars, les élèves peuvent saisir dix vœux au maximum (il existe aussi des « vœux multiples » pour candidater simultanément à plusieurs filières « semblables »). Ces vœux ne sont pas classés ;
    • à partir de fin mai : les élèves prennent connaissance des réponses des filières (« proposition d’admission », « en attente de place », ou « non ») et répondent aux propositions qui leur sont faites. Seules les filières sélectives peuvent répondre « non ». Une proposition d’admission en formation non sélective peut prendre la forme d’un « oui, si » : elle est alors conditionnée à l’acceptation par l’élève d’un complément de formation, il s’agit des fameux « attendus ». Il est possible d’avoir plusieurs propositions d’admission simultanées dans des formations différentes. C’est alors l’élève qui décide, avec un délai limité pour se prononcer. Afin de libérer des places qui pourront être proposées à d’autres candidats, l’élève ne peut accepter qu’une proposition au maximum. Il est possible, en le précisant, de conserver les vœux pour lesquels l’élève serait encore « en attente de place ».

    D’autres changements concernent l’apparition de la notion d’« attendus » dans certaines filières universitaires dites « en tension », ce qui soulève d’autres débats que nous n’aborderons pas dans cet article, et la disparition du tirage au sort, qui répond sans doute à d’autres débats que nous n’aborderons pas plus.

    Différences entre APB et Parcoursup

    Nombre de vœux

    L’algorithme « parfait » des mariages stables nécessite théoriquement que chaque élève classe chaque filière (et vice versa) pour être au plus proche de la « vérité » de ses préférences. Avec 24 vœux, le système APB était pourtant souvent perçu comme une « usine à gaz »…  Par ailleurs, du côté des filières, comment étudier finement des masses de dossiers d’élèves (certaines filières reçoivent plusieurs dizaines de milliers de candidatures !) dont beaucoup ne seraient pas vraiment motivés ? Pour gérer la masse de dossiers, la tentation de déshumaniser le processus via des prétraitements automatisés, qui auraient du mal à tenir compte de commentaires des professeurs, de lettres de motivation, etc., est un risque à ne pas négliger.

    En limitant désormais à dix le nombre de vœux, Parcoursup limite vraisemblablement ce risque et va dans le sens de la réduction de la complexité. D’un autre côté, comme on l’a vu, en réduisant le nombre de vœux possibles, on court le risque que les élèves s’autocensurent en visant « trop bas » ou qu’ils ne trouvent pas d’affectation en visant « trop haut ». Dans le contexte du nombre réduit de vœux possibles de Parcoursup, l’accompagnement des futurs bacheliers pour les aider à bien « calibrer » leurs choix semble crucial. Il s’agit paraît-il d’un élément effectivement intégré au nouveau dispositif.

    Confidentialité des préférences

    Dans le cadre d’APB, les décisions d’affectation dans les filières non-sélectives dites « en tension » pouvaient tenir compte des préférences des élèves : le Guide du Candidat 2017 (PDF, page 9) indiquait que « l’algorithme tient compte de l’académie du candidat, de l’ordre de ses vœux et de sa situation de famille et si nécessaire d’un tirage au sort ». Contraire à la philosophie même qu’affichait le système APB pour toutes les autres filières, cette spécificité a peut-être contribué à brouiller la lisibilité du système et à précipiter son remplacement.

    Désormais, les vœux exprimés dans Parcoursup ne sont pas classés. Dans un premier temps, les filières étudient tous les dossiers qui leur parviennent, et font au mois de mai des propositions aux candidats. Ce sont les candidats eux-mêmes qui, au moment où ils reçoivent une ou plusieurs proposition(s), doivent décider laquelle ils préfèrent, en se réservant éventuellement le droit d’attendre une meilleure proposition qui pourrait arriver plus tard.

    Avec un tel système, aucune filière n’a donc plus moyen d’accéder aux préférences des lycéens. C’est donc un vrai progrès en termes de confidentialité. Mais il existe aussi un risque qu’un élève ne reçoive aucune proposition, nous y reviendrons.

    Automatisation du traitement

    Avec APB, si les élèves exprimaient leurs choix à la fin de l’hiver, c’est l’algorithme des mariages stables implémenté sur un serveur qui utilisait automatiquement ces choix début juin pour les l’affecter dans les filières. Avec Parcoursup, l’affectation n’est désormais plus automatique, car si des vœux ont été émis, ils n’ont pas été classés. Les lycéens pourront donc avoir jusqu’au dernier moment le sentiment de garder la maîtrise de leurs choix et de leurs décisions.

    Par ailleurs, le seul code informatique utilisé dans le processus national est désormais celui servant à mettre les élèves et les filières en relation et à se transmettre dossier de candidature, proposition d’admission (ou non) et réponses. Il ne s’agit plus d’un algorithme qui « prend des décisions », ce qui rend sans doute moins critique la question de l’accès à ce code. La question reste peut-être d’actualité dans l’hypothèse où certaines filières, ayant à gérer des masses de candidatures, feraient appel à des prétraitements automatisés.

    Efficacité du processus

    APB avait « laissé sur le carreau » des dizaines de milliers de lycéens pendant une bonne partie de l’été, cet écueil qui a motivé son remplacement par Parcoursup sera-t-il évité cette année ? Ici on entre dans la prospective, mais ce point semble loin d’être évident pour plusieurs raisons.

    D’une part, comme les serveurs informatiques d’APB avaient connaissance des préférences des élèves et des filières, ils pouvaient implémenter de façon rapide une variante à 24 choix de l’algorithme des mariages stables de David Gale et Lloyd Shapley et trouver la « moins mauvaise » des solutions étant données les préférences des élèves et des filières. Aujourd’hui, il semble bien qu’avec Parcoursup ce soit de nouveau l’algorithme de Gale et Shapley (voir encadré précédent) qui soit mis en œuvre, mais cette fois « à la main » – par les filières et les lycéens lors de la phase commençant fin mai où ils alternent propositions et réponses. Le processus pourrait donc s’avérer sensiblement plus lent que lorsque l’algorithme est implémenté sur un serveur informatique.

    La situation suivante peut sembler caricaturale, mais n’est peut-être pas totalement improbable :

    • lors de la première phase, les filières préfèrent dans leur majorité le même groupe de lycéens (disons un millier) qui ont les « meilleurs » dossiers ; seuls ces lycéens se voient donc faire des propositions.
    • il faut attendre jusqu’à une semaine que ces mille lycéens acceptent une offre et se désistent de toutes les autres pour que les mille lycéens suivants reçoivent enfin une première proposition ;
    • et ainsi de suite, le délai de réponse diminuant doucement pour descendre à trois jours à partir du 26 juin puis un jour à partir du 21 août (voir le site Parcoursup, rubrique « Vos réponses aux propositions d’admission »).

    De là à imaginer que le retour à une version plus informatique du système soit réclamé l’an prochain pour accélérer les choses, il faudrait tout de même être un peu provocateur !

    D’autre part, et c’est là un point d’ordre plus politique sur lequel chacun pourra avoir son avis, une partie des difficultés d’affectation observées en 2017 avec APB vient sans doute tout simplement du manque de places dans certaines filières (non sélectives mais « en tension ») par rapport au nombre d’étudiants intéressés. D’une manière ou d’une autre, une forme de sélection s’y opère et certains étudiants ne trouvent donc pas de place dans les filières qui les intéressent. Un système de mise en relation entre élèves et filières tel que Parcoursup, aussi bien conçu soit-il, ne pourra sans doute rien y changer.

    Pour conclure

    On l’aura compris, le système « parfait » d’affectation post-bac existe… seulement dans un monde idéal. Dans notre monde bien réel, des compromis sont nécessaires. Le bon fonctionnement du système nécessite en particulier un compromis raisonnable sur le nombre de vœux émis par chaque élève. En parallèle, il est également nécessaire d’aider les élèves, leurs parents, leurs professeurs, à bien « calibrer » leurs vœux dans une échelle raisonnable pour éviter l’autocensure sans pour autant courir le risque de se retrouver sur la touche en ayant demandé des filières incompatibles avec leur dossier. La volonté annoncée d’améliorer les dispositifs d’orientation va dans le bon sens, mais peut-on envisager d’aller plus loin ? Pour les filières sélectives en particulier, on pourrait par exemple rendre publiques certaines statistiques anonymisées relatives aux élèves admis les années précédentes : ordre de grandeur de notes minimales, moyennes ou maximales par matière, répartition par académie d’origine… Ce type d’informations serait un moyen sans doute plus démocratique que le bouche-à-oreille pour faciliter l’évaluation par les lycéens de leurs « chances » dans telle ou telle filière, et bien dans l’esprit de l’Open Data et de l’accès ouvert aux données et au code.

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    Rémi Gribonval

    Directeur de recherche Inria, responsable de l'équipe PANAMA (IRISA, Inria Rennes / CNRS).

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