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    Prenez-le par la main et il vous suit. Grâce à sa morphologie qui facilite son apprentissage, Acroban est l'un des premiers robots humanoïdes bipèdes capable d'interactions physiques complexes avec des humains.

    Comment un robot peut-il apprendre à contrôler son corps et à interagir avec son environnement physique et social ? Chez les humains, la géométrie, les propriétés des matériaux et les primitives motrices guident et facilitent un tel apprentissage. La plateforme humanoïde Acroban a ainsi été conçue pour explorer le rôle de la morphologie dans l’acquisition de savoir-faire moteurs complexes, mais aussi de nouveaux types d’interactions entre un humain et un robot.

    Acroban : une plateforme expérimentale humanoïde sans artifices


    Visionner la vidéo – Durée : 11 min 29 s.

     

    Au repos, le robot humanoïde Acroban n’a rien de spectaculaire. Au contraire. Petit — il fait environ 70 cm de haut —, léger — il pèse à peine 5 kg —, il est constitué de composants à faible coût : des moteurs Robotis RX-28 et RX-64, de l’aluminium, des élastiques et des ressorts standards pour les matériaux, et un processeur ARM embarqué pour l’électronique. Alors, comment ce robot presque « banal » est-il capable de mouvements aussi proches des mouvements biologiques ?

    Ce robot est doté d’une souplesse contrôlée dynamiquement, inspirée de la morphologie des animaux, des bipèdes en particulier. Pour reproduire des mouvements semblables à ceux d’un humain, ce robot a 30 degrés de liberté, chacun caractérisé par plusieurs dimensions (position, vitesse, accélération, rigidité, etc.). L’ensemble de sa structure mécanique est malléable, grâce à des moteurs souples dont on peut contrôler la résistance ainsi que des élastiques et des ressorts mimant le rôle des tendons ou des muscles. Sa partie la plus originale est une colonne vertébrale multi-articulée, à 5 degrés de liberté, qui joue un rôle central dans la locomotion et le maintien de l’équilibre. Ce torse multi-articulé, inspiré de celui de l’humain, offre une stabilisation naturelle et permet d’accumuler l’énergie potentielle pour la restituer en énergie cinétique afin de rendre le robot capable de marcher en rétablissant son équilibre en réaction à la gravité.

    Avec Acroban, les articulations deviennent également des interfaces tangibles, car c’est en le manipulant directement que l’humain modifie l’état du robot, c’est-à-dire la position de ses articulations. Cela permet en outre de le diriger en le prenant par la main tel un enfant, de manière totalement intuitive. Sans avoir été programmé à l’avance, le robot humanoïde va alors suivre la direction dans laquelle l’humain va le « guider » : ce comportement est un attracteur dynamique spontané résultant de l’interaction entre sa géométrie, ses réflexes et la gravité. Ce type d’architecture offre ainsi de nouvelles possibilités d’interactions physiques avec des robots, plus agréables pour les humains car ils les trouvent fluides, intuitives et fiables.

    Le calcul morphologique pour l’apprentissage de savoir-faire moteurs

    L’être humain utilise implicitement l’interaction de la gravité avec l’inertie de son corps pour se déplacer. Mettre un robot en mouvement est donc une tâche complexe, en particulier lorsqu’il s’agit de mouvements comme la marche dynamique où les interactions physiques sont nombreuses. Et dans le cas des robots humanoïdes classiques, souvent trop chers et trop fragiles pour qu’on puisse tester directement les mouvements sur eux et faire des expériences d’apprentissage ou d’optimisation, cela présuppose bien souvent un long travail de modélisation et de simulation. Parce qu’il est plus léger, plus robuste, moins onéreux et facilement réparable, Acroban permet l’optimisation de ses mouvements par essais-erreurs. C’est pour ces diverses raisons qu’il a été possible de le faire marcher dynamiquement de manière semi-passive.

    Dans la marche dynamique et la stabilisation, comme dans les interactions humain-robot, tous les mouvements du robot sont fondés sur l’utilisation de primitives motrices, des mouvements élémentaires paramétrables qui encodent des synergies entre articulation, c’est-à-dire qui contraignent les mouvements possibles. Pour construire ces primitives, il n’est pas nécessaire de disposer d’un modèle mathématique de la dynamique physique de l’ensemble du système. Le système dynamique induit par l’interaction de la gravité, de l’inertie et des propriétés morphologiques de la structure du robot, en interaction avec les primitives motrices, génère spontanément des mouvements organisés. C’est ce qu’on appelle parfois « calcul morphologique » (morphological computation). Par exemple, quand un humain prend les bras d’Acroban, les forces appliquées au robot, même faibles, le font spontanément suivre le guidage de cet humain grâce à une interface basée sur ce principe qui permet une robustesse aux perturbations.

    L’idée principale est de contrôler les systèmes dynamiques en réglant seulement un faible nombre de paramètres. Le contrôle central consiste simplement à régler quelques paramètres avec des boucles de contrôle. Par exemple, il est possible de contrôler la direction et la vitesse d’Acroban quand il marche avec seulement deux paramètres. Cela contraste fortement avec les 30 degrés de liberté de la structure mécanique du robot. Cette réduction importante du nombre de dimensions, permise par l’utilisation de primitives motrices adéquates, et par les propriétés d’auto-organisation de couplage de ces primitives avec la physique du robot, a radicalement transformé le problème difficile de l’apprentissage de la locomotion en un problème bien plus simple. Le calcul morphologique a ainsi facilité l’acquisition de savoir-faire moteurs complexes sur un robot humanoïde.

    Vers de nouvelles perspectives pour la robotique sociale

    La plateforme Acroban a été développée initialement pour étudier l’impact des contraintes morphologiques sur l’acquisition de savoir-faire moteurs chez les robots et les humains, notamment le rôle de la colonne vertébrale dans le maintien de l’équilibre et la marche dynamique. Ce robot humanoïde a également permis d’explorer de nouveaux modes d’interactions physiques entre robots et humains, exploitant en particulier la souplesse du corps du robot. Ainsi, cette plateforme ouvre de nouvelles perspectives pour la robotique personnelle du futur, domaine dans lequel l’un des grands défis est de permettre des interactions physiques intuitives, efficaces, sûres et socialement acceptables entre humains et robots. Les démonstrations en public ont en effet montré que les types d’interactions possibles avec le robot sont déterminants pour son acceptation sociale, plus que son apparence extérieure.

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    Olivier Ly

    Professeur associé au LaBRI, Université de Bordeaux 1.
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