Les Newsletters Interstices
Page d'accueil de l'encyclopédie Wikipédia
    Niveau facile
    Niveau 1 : Facile

    Du Web aux wikis : une histoire des outils collaboratifs

    Histoire du numérique
    Langages, programmation & logiciel
    Vous avez dit « wikis » ? Rendus célèbres par l'encyclopédie en ligne Wikipédia, ces outils collaboratifs ont peu à peu gagné le Web. Ce premier document dresse l'historique des outils collaboratifs de l'époque précédant l'arrivée du Web à nos jours. Ainsi plongés dans le contexte du Web, nous aborderons les aspects techniques et ergonomiques communs à la grande majorité des wikis, ainsi que les aspects sociaux indissociables de ces outils depuis leur origine.

    Cette photo représente ce que voyait Ward Cunningham tous les matins en attendant son bus à l’aéroport international d’Honolulu. C’est de là que lui est venue l’idée de donner le nom de wiki à son logiciel.
    Photo : Arik Baratz / Wikipédia.

    Les outils collaboratifs répondent aux besoins des utilisateurs de travailler en groupe, par exemple, faciliter l’écriture collaborative de documents. Nés de la croisée de technologies indépendantes (messagerie, forum, workflow…), ils ont permis de mutualiser les ressources. C’est ce qui explique pourquoi ils se sont progressivement généralisés auprès des utilisateurs. Les applications à but collaboratif sont à peu près aussi anciennes que l’Internet et indissociables de l’idée de communauté. Dès 1968, Joseph Carl Robnett Licklider et Robert W. Taylor, deux des fondateurs d’Arpanet — le prédecesseur d’Internet —, pressentent l’apparition des communautés qu’ils définissent alors comme des communautés de partage d’intérêt par opposition aux communautés de proximité géographique classiques.

    1. Les prémices des outils collaboratifs

    L’histoire des outils collaboratifs commence avec la « libéralisation » de l’Internet vers la fin des années 80. Cet événement majeur annonce le début d’une nouvelle ère : le réseau n’est plus réservé aux seules universités, et des instances non gouvernementales — l’IAB (Internet Architecture Board) et l’ISOC (Internet Society) par exemple — sont créées pour mettre sur un pied d’égalité les universités et les entreprises. Cette ouverture permet l’émergence de « fournisseurs d’accès à Internet ». C’est la naissance de l’Internet « commercial ». Le début des années 90 a été marqué quant à lui par la création du Web (l’Internet multimédia) par Tim Berners Lee. Vient ensuite Mosaic, le premier navigateur graphique créé en 1993 par Marc Andreessen. Capable d’afficher des images et des formulaires de saisie interactifs dans des pages, ce navigateur web est le catalyseur qui a rendu le World Wide Web si populaire. Il est en effet à l’origine de l’augmentation exponentielle du nombre de serveurs Web. Depuis, d’autres outils sont apparus, mais ce sont ces éléments qui ont fait office de déclencheurs. D’ailleurs, comment marche le Web ?

    Tout comme le serveur d’une brasserie sert des cafés aux clients en terrasse, les serveurs Web « servent » des pages web à des clients qui lui sont propres : les navigateurs web. Les pages web sont en réalité soit des fichiers texte que le serveur envoie tels quels au client via le réseau, soit des pages « calculées » par programme. C’est le cas lorsque les pages web comportent des formulaires de saisie. Par exemple, une recherche sur Google produit des résultats différents en fonction des mots clés spécifiés. Lorsque la recherche est validée, le client envoie les mots clés au serveur Web et ce dernier interroge une base de données. Les résultats de la requête sont alors mis en forme et renvoyés par le serveur Web vers le navigateur qui peut les afficher : la page de résultats est ainsi « calculée » par Google et envoyée comme s’il s’agissait d’un fichier. On parle de pages « dynamiques » dans la mesure où le processus informatique qui effectue le traitement de la requête est réalisé en temps réel. La technologie permettant de réaliser de telles applications était présente dès le début du Web, avec la Common Gateway Interface (CGI), une norme définissant l’interfaçage d’applications externes avec des serveurs Web.

    En 1996, l’arrivée de la technologie ASP de Microsoft a permis de développer plus facilement des applications web interactives, en mixant au sein du code HTML d’une page web des ordres écrits en langage de script, en particulier des requêtes SQL (Structured Query Language, le langage de requête des bases de données relationnelles). C’est le serveur Web qui se charge ensuite d’interpréter ces scripts. Cette solution évite d’exécuter un processus externe lors de chaque requête, tout comme le permet la technologie CGI.

    L’année suivante, le monde de l’Open Source (centré sur Linux à l’origine) propose le langage PHP, proche du langage ASP. Mais la véritable révolution dans l’histoire des technologies du Web a débuté avec la large diffusion du « LAMP », c’est-à-dire l’association du système d’exploitation Linux, du serveur Web Apache, de la base de données MySql et du langage PHP. Ces outils ont joué un rôle fondamental dans l’essor des applications dynamiques sur le Web en composant une plate-forme commune. À l’époque , on a même parlé du LAMP en tant que « Windows du Web ». En parallèle, Sun Microsystems a proposé dans sa distribution J2EE du langage Java, des interfaces de programmation (APIs), et des outils (serveurs de Servlets) permettant de développer des applications web en Java et de soulager le serveur Web classique du travail d’interprétation des commandes.

    Enfin, les années 2000 ont consacré l’utilisation des langages de script, en particulier de Javascript comme langage permettant de réaliser des interfaces utilisateurs plus réactives, en déportant une partie du traitement dans les navigateurs web.

    Les moyens de collaborer sur le Web

    Il existe différentes manières de collaborer sur le Web.

    Le premier type de collaboration est la discussion, synchrone ou asynchrone. Le courrier électronique ou mail en est l’exemple type : il existait bien avant la naissance du Web, à l’époque où l’Internet n’était pas encore multimédia. Les forums sont apparus peu après sous forme de Bulletin Board Systems (les fameux « BBS », ancêtres des serveurs modernes) puis sur le réseau Usenet.

    La messagerie instantanée quant à elle, est arrivée dès 1985 avec IRC (Internet Relay Chat), l’ancêtre encore populaire des MSN, ICQ et Yahoo Messenger d’aujourd’hui. Véritables défis technologiques à l’époque, les outils de chat comme IRC ont donné à des milliers personnes distantes la possibilité de discuter en même temps dans des « salles de discussion virtuelles », les « canaux IRC ».

    Ces différents outils permettent de collaborer, d’avoir des discussions synchrones (chat) ou asynchrones (forum, mail) et d’échanger des messages ou des fils de discussion. L’origine de l’essor communautaire de l’Internet réside dans la propagation des listes de diffusion (mailing lists), de Usenet et surtout des BBS. En effet, près de 10 millions d’utilisateurs fréquentaient les BBS en 1992. Ces outils ont joué un rôle très important, car ils ont façonné les modes d’interaction actuels.

    Le second moyen de collaboration consiste à échanger des fichiers à l’aide de serveurs partagés. Pour effectuer ce type d’opérations, Ftp (File Transfert Protocol) est l’outil le plus populaire de cette époque précédant le Web. À l’aide de clients Ftp, il est possible de se connecter sur un serveur Ftp et de déposer un fichier que d’autres personnes peuvent récupérer, modifier puis redéposer. Ftp est encore très utilisé de nos jours.

    Au fil du temps, ces outils se sont améliorés ou ont été remplacés par des outils mieux adaptés. Avec l’apparition du Web, ils sont devenus multimédias et les outils de chat comme MSN Messenger ou Yahoo Messenger se sont enrichis de nouvelles possibilités en incluant des tableaux blancs (pour le dessin partagé), des fonctionnalités de communication audio ou vidéo, etc. La mise en ligne de pages HTML via des serveurs Web a remplacé en grande partie l’échange de documents textes ASCII auparavant échangés par Ftp ou par mail.

    Toutefois, de nombreux défauts persistent. Avec le mail par exemple, chaque utilisateur doit trier et organiser ses messages pour pouvoir retrouver les informations pertinentes ou lire une conversation coupée en morceaux. Le problème se répète avec les forums : parfois, il faut sauter des messages pour retrouver le fil d’une discussion, tous les messages n’étant pas dignes d’intérêt. Le partage de fichiers par Ftp pose également de nombreux problèmes : que se passe-t-il lorsqu’on désire travailler à plusieurs sur le même fichier par exemple ? Comment ne pas se « marcher sur les pieds » ? Si on dépose un fichier sur un serveur alors qu’une précédente version du fichier est présente, que faire ? L’écraser ? Renommer le nouveau fichier ? Le problème de la gestion des versions se pose alors. La collaboration n’est donc pas toujours aisée…

    Le modèle de publication de documents HTML tel qu’il était encore pratiqué récemment a rencontré des problèmes du même ordre, les pages web étant la plupart du temps statiques, éditées hors ligne puis déposées sur un espace disque visible par le serveur Web via le protocole Ftp que nous venons de critiquer (pas de gestion de versions, etc.). En outre, la création de pages HTML nécessite d’installer sur la machine client un éditeur spécialisé tel que le populaire Dreamweaver édité par la société Macromedia, ou des outils gratuits plus simples comme l’éditeur de pages HTML fourni par le navigateur Netscape ou encore le logiciel Amaya de l’INRIA. HTML ne cessant de devenir plus complexe jusqu’à sa version 4.0, les éditeurs HTML ont pris le pas pour devenir de véritables usines à gaz. Ce modèle de publication a néanmoins remarquablement fonctionné faute de mieux, et le nombre de serveurs Web et de pages HTML a augmenté de manière exponentielle. Mais on ne peut pas encore parler de travail collaboratif, car il s’agit dans la très grande majorité des cas de publications de type 1 – n avec un producteur pour n consommateurs. Ce modèle est à rapprocher de celui, plus classique, de la publication des journaux et magazines, l’hypertexte et la mise en ligne en sus.

    WebDav et BSCW, les premiers vrais outils collaboratifs basés sur le Web

    Pour répondre au problème de la gestion de versions sur des serveurs partagés, de nouveaux protocoles comme WebDav (Web Distributed Authoring and Versioning project) sont apparus fin 1995. Cette tentative pour étendre le protocole HTTP, permet l’échange transparent de fichiers entre un client et un serveur, à la manière d’un simple système de fichiers. Un utilisateur dépose un fichier dans un répertoire distant de la même manière qu’il déplace un fichier sur son disque local. Le répertoire distant est alors partagé. En outre, WebDav propose un système pour gérer les versions : si on dépose un fichier alors qu’un fichier du même nom est déjà présent dans le répertoire distant, ce dernier n’est pas effacé et on garde ainsi une trace de toutes les versions existantes. Des systèmes comme BSCW (Basic Support for Cooperative Work) proposant des fonctionnalités bien plus évoluées, ont succédé à WebDav. Leur plus ? Fournir des interfaces utilisateurs sous la forme de pages web ainsi que la gestion des utilisateurs ou des groupes d’utilisateurs et la possibilité d’être prévenu (par une notification) lors de modifications sur certaines parties de l’espace partagé, etc.

    Écran typique de BSCW. L’icône NEW (2) indique que le fichier est apparu dans l’espace partagé depuis la dernière connexion.

    L’apparition de WebDav et de BSCW marque une étape importante. On commence à disposer d’outils de manipulation de fichiers, de partage de documents (y compris de documents hypertextes) incluant la gestion de versions et des mécanismes de notification évolués. Les interfaces utilisateurs sous forme de pages web permettent de classer BSCW parmi les pionniers des outils collaboratifs « basés sur le Web ». Cependant, des éditeurs externes — éditeurs HTML, éditeurs de type Microsoft Word ou simple éditeur de texte, etc. — sont toujours nécessaires pour créer les documents. En effet, à cette époque, les limitations des technologies web ne permettent pas encore de construire des interfaces utilisateurs riches et réactives.

    Mais pourquoi éditer des documents dans son navigateur web alors que des outils puissants et reconnus existent ? Dans le monde des entreprises, à la même époque, des outils collaboratifs tels que Lotus Notes connaissent un succès important en proposant des services — le plus souvent articulés autour de formats propriétaires — tels que le mail, l’échange de fichiers, le partage d’espace disque, le partage d’annuaires, etc. Ces outils proposent donc des interfaces utilisateurs très riches (peut-être même trop) et des fonctionnalités à profusion. Dédiés à des applications intranet, c’est-à-dire limitées au réseau interne de l’entreprise, ceux-ci offrent alors une alternative « industrielle et sérieuse » aux outils du Web, souvent jugés trop simples et peu sécurisés.

    Un outil tel que le mail « standard » basé sur le protocole SMTP a mis dix ans avant d’être utilisé par les entreprises. Pourquoi ? Simplement parce que l’idée qu’un employé puisse envoyer des messages à l’extérieur de l’entreprise était difficile à accepter. L’accès au Web également a longtemps été restreint ! Interdire l’accès à Google aujourd’hui, cela semble inimaginable dans le monde de l’entreprise et pourtant, il n’est pas rare de rencontrer des sociétés où l’accès au Web externe est encore sous contrôle. Se tourner vers Lotus Notes ou vers d’autres outils équivalents semblait à l’époque plus judicieux, parce que ces logiciels lourds correspondaient à cette ancienne « culture de l’entreprise » où tout doit être régulé. Au cœur de Lotus Notes se trouve en effet un mécanisme très complet de gestion des droits et privilèges, incluant de puissants et complexes algorithmes qui permettent de dire ce que chacun a le droit de faire ou de ne pas faire. Il est possible par exemple de donner à certains utilisateurs des pouvoirs de délégation (« tu as le droit de donner des accès à cet espace, mais uniquement aux personnes du groupe des managers que tu n’as pas le droit de modifier »). Pourtant, ces outils sont chers, lourds, et finalement peu collaboratifs.

    Les premiers outils collaboratifs « basés sur le Web », proposent une autre vision de la collaboration :

    • Aucune installation n’est nécessaire, un simple navigateur web suffit. Ceci est particulièrement adapté aux situations où les utilisateurs du système sont mobiles : intranet d’universités ou d’entreprises réparties sur plusieurs sites, télétravail depuis le domicile, etc.
    • Gestion des versions : les documents que l’on voit sont régulièrement mis à jour et l’accès aux versions précédentes est possible, rien ne peut être perdu.
    • Systèmes basés sur un langage hypertexte, permettant la création d’un corpus documentaire formé de pages reliées entre elles par des liens hypertextes.

    Par ailleurs, le langage HTML s’est imposé naturellement pour la réalisation des documents hypertextes, malgré sa complexité qui le rendait difficilement utilisable par des non informaticiens. Le temps où l’on tapait du HTML dans un éditeur de texte pour composer une page web est révolu ! Le navigateur Netscape a ouvert la voie en proposant un éditeur HTML « noyé » dans son navigateur, mais il ne s’agissait pas réellement d’un éditeur intégré dans une page web. Pour éditer une page HTML, il fallait toujours Netscape, un autre navigateur ne pouvant faire l’affaire ! Puis sont arrivés sur le marché les systèmes auteurs : les premiers éditeurs hypertextes embarqués dans des pages web qui ne nécessitaient pas une grande expertise en HTML.

    Les systèmes auteurs

    Prenons des étudiants sur un campus universitaire… Ils sont susceptibles d’utiliser n’importe quel ordinateur parmi ceux mis à leur disposition dans les salles informatiques. Ils ne vont pas travailler tout le temps dans la même salle ni sur la même machine. S’assurer que tous ces ordinateurs disposent des logiciels nécessaires mis à jour oblige les administrateurs systèmes à un lourd travail de maintenance. Les personnes doivent être formées à ces logiciels ainsi qu’à l’utilisation des outils de publication (Ftp ou autre). L’idée du « zéro-installation » a toujours été séduisante : nul besoin d’installer des logiciels, un simple navigateur web suffit ! Embarquons donc les applications dans le navigateur !

    C’est cette motivation première qui est à l’origine de l’apparition des premiers systèmes auteurs en 1994. Ces derniers permettent de créer à l’aide de formulaires HTML du contenu destiné à être affiché dans des pages web. Par exemple, les plates-formes de télé-enseignement permettent dès lors aux enseignants de remplir des formulaires pour indiquer le descriptif des cours qu’ils comptent mettre en ligne. Ils peuvent y insérer des mots-clés caractérisant le cours, le type de documents composant le cours, etc. Parfois, on peut même entrer directement du code HTML dans une zone de saisie et ainsi mettre du texte en gras ou en italique, ajouter des liens hypertextes… Certains éditeurs vont même plus loin en proposant de l’édition HTML « interactive », comme l’outil WebWriter apparu en 1996.

    Les images ci-dessus donnent une idée de la difficulté d’utilisation d’un de ces éditeurs de page web disponible en 1996, WebWriter en l’occurrence.
    À gauche, création d’une page de « patrons de présentation » (template) pour WebWriter (1996). Sur cet écran, on voit bien l’interface de création de templates qui permet de spécifier quelles parties du texte sont éditables. L’image en haut à droite illustre quant à elle le mode d’édition à proprement parler : le texte est entouré de points d’ancrages, et lorsqu’on clique avec le bouton droit sur un de ces points d’ancrage, un menu déroulant (avec deux niveaux de hiérarchie) propose d’insérer des balises HTML simplifiées (un sous-ensemble de HTML version 3.2 étant proposé). Ce menu est illustré sur l’image en bas à droite. Imaginez le travail fastidieux qui attendait celui qui voulait réaliser une page un peu longue !

    Ces outils ont peu marqué l’histoire du Web, leur insuccès s’expliquant par leur grande complexité. En effet, il semble que leurs auteurs se soient surtout enthousiasmés pour les aspects technologiques, au détriment de leur ergonomie.

    En dépit des technologies web trop limitées ne permettant pas la création d’interfaces utilisateurs riches, d’autres outils mieux adaptés à ces limitations ont vu le jour et les gens ont enfin pu collaborer. Du reste, la technologie n’est qu’une partie du problème. Dans la vie réelle, nous sommes parfois amenés à collaborer sans l’aide d’un ordinateur et pour ce faire, nous griffonnons des dessins sur des feuilles de papier, sur des tableaux, nous utilisons des interfaces parfois difficilement compatibles (langages différents, cultures différentes…). De même, avec un petit effort de mémoire, il est amusant de se rappeler tout ce que l’on arrivait à faire avec les outils informatiques d’il y a 15 ans. À l’époque, malgré les défauts des outils disponibles (inhérents aux contraintes technologiques notamment), et même si cela demandait de gros efforts, les gens réussissaient déjà à travailler ensemble. Parmi les outils collaboratifs les mieux adaptés aux limitations du Web de l’époque, certains ont eu un impact plus grand que d’autres : les wikis !

    Le premier wiki, un outil révolutionnaire

    Une révolution démarre en 1995 lorsque l’informaticien Ward Cunningham crée le premier wiki, celui du Portland Pattern Repository. Toujours en activité, le site est désormais entré dans l’histoire de l’Internet et une pratique populaire consiste à l’appeler « le wiki de Ward » (Ward’s Wiki).

    Lassé par le rôle central du webmestre et la complexité du processus de création de documents HTML, influencé par Hypercard et certainement par la vision initiale du Web qu’avait eue Tim Berners Lee, Ward Cunningham invente à l’occasion de la création du portail Web du Portland Pattern Repository, le concept génial du wiki : un site web permettant la création, l’édition et la mise en place d’un réseau de pages à la volée, depuis un simple navigateur web, de manière très simple et rapide (« wiki » signifiant « vite » en hawaïen).

    Page d’accueil du wiki de Cunningham telle qu’elle apparaît en 2008 : simple, austère, orientée clairement vers le contenu. Les premiers paragraphes donnent quelques clés sur le concept du wiki. Remarquons en particulier la syntaxe des liens : ce sont tous des WikiWords ! La page « brille » par ses WikiWords, emblématiques des wikis.

    On cache HTML

    Cunningham n’a fait que reprendre l’idée des systèmes auteurs, mais en la simplifiant. Chaque page du site web du Portland Pattern Repository comprend un lien edit permettant d’éditer le contenu de la page dans une zone de saisie d’un formulaire HTML (TextArea HTML), à la manière des systèmes auteurs.

    Première révolution, on oublie le HTML ! L’informaticien choisit un langage d’édition de pages très simple, communément appelé un « dialecte WikiML » (Wiki Markup Language). Ce langage ressemble fortement au langage utilisé par les internautes pour formater les messages ASCII envoyés par mail ou échangés sur les forums Usenet.

    À l’époque de Usenet, Internet n’est pas encore graphique et pour mettre un mot en évidence, on l’entoure d’astérisques *comme ceci* et pour simuler l’écriture italique, on l’entoure par des caractères soulignés, _comme ceci_. Le langage de ce premier wiki, demeuré pratiquement inchangé jusqu’à aujourd’hui, propose des règles de formatage simples, très proches de la toute première version de HTML : gras, italique, souligné, plusieurs niveaux de titres, listes à puces, listes numérotées…

    On crée un réseau de pages à l’aide de WikiWords

    La véritable contribution de Ward Cunningham, c’est l’invention des WikiWords (appelés aussi « CamelWords » en anglais ou « ChatMots » en français). La « casse ChatMot » est un format de syntaxe pour les phrases, dans lesquelles tous les espaces sont supprimés, les mots accolés et les premières lettres mises en capitales UnPeuCommeCeci. Ce nom animalier provient de l’assemblage des mots « Chat » et « Mot », formant ainsi deux bosses là où les lettres en capitales nous rappellent les deux bosses du chameau.

    Le ChatMot est très usité pour les PagesNoms de wiki, parce qu’il permet de créer des liens automatiques vers ces pages. Pour créer de nouvelles pages web et les relier entre elles, il suffit en effet de taper dans une page deux mots avec l’initiale en capitales collés l’un à l’autre et de sauvegarder la page. Dans la page, le ChatMot est devenu un lien qui se termine par un « ? ». Il suffit alors de cliquer sur le lien pour créer une nouvelle page dont le nom est le ChatMot, et dont l’URL se termine par ce même ChatMot. La page nouvellement créée est automatiquement affichée en mode édition, il suffit de taper du texte et de la sauvegarder. Ainsi, de manière très simple, on construit un réseau de pages.

    Voici un exemple simple. Si on tape dans une page du wiki : « Cette phrase contient un LienVersUneAutrePage » et que l’on sauvegarde la page, cela donne :

    « Cette phrase contient un LienVersUneAutrePage ? »

    Le ChatMot LienVersUneAutrePage ? devient un lien cliquable (le point d’interrogation indiquant qu’il pointe vers une page qui n’existe pas encore). Si on clique dessus, le wiki crée automatiquement une page vide reliée à la précédente (par le lien hypertexte LienVersUneAutrePage) et le lien perd son point d’interrogation à la fin, indiquant que la page existe maintenant. Les wikis modernes proposent un bouton link et autorisent la création de liens sans utiliser cette astuce, mais à l’époque, les éditeurs WYSIWYG pouvant fonctionner dans une page web n’existaient pas, et les ChatMots étaient très utilisés.

    Version WikiML de la page d’accueil du wiki de Ward Cunningham en 2008.

    Comment Ward Cunningham a-t-il eu l’idée de la syntaxe ChatMot ? La raison historique à cela provient du wiki original, le WikiWiki, qui était initialement le Wiki du Portland Pattern Repository. N’oublions pas que Ward Cunningham appartenait à une communauté d’ingénieurs et de scientifiques qui s’intéressaient aux modèles de conception collaborative (design patterns) et au langage de formes pour le logiciel (on parle aussi de langage objet). Le portail Web du Portland Pattern Repository qu’il a implémenté à l’aide de son moteur de wikis, était en effet destiné à publier et à discuter tous ces aspects. Il est naturel qu’il ait été hautement influencé par le langage de programmation orienté objet SmallTalk (dont le nom est lui-même un ChatMot). Dans ce langage, les noms de classes doivent également être en syntaxe ChatMot. Bien qu’aujourd’hui il soit possible de créer des liens dans des wikis de manière différente, l’usage de ChatMots est une pratique toujours très populaire. C’est une fonctionnalité caractéristique des wikis, qui n’a jamais été vue ailleurs sur le Web.

    Un succès inattendu

    C2wiki, le wiki originel de Ward Cunningham, rencontra un tel succès qu’il est vite devenu le premier grand wiki communautaire, ses utilisateurs débordant rapidement du cercle des scientifiques et des passionnés de schémas de conception et de programmation orientés objet pour devenir des fidèles de la WikiWay, nom donné à la « CultureWiki » ! Et devinez le sujet de discussion favori des utilisateurs de ce wiki originel sur le site ? Les wikis et la WikiWay ! Le concept connut un tel triomphe, un tel impact, qu’il a réellement contribué à modifier la vision de l’Internet moderne, le transformant en un média sur lequel on peut écrire et collaborer facilement.

    Les plus curieux pourront lire le livre « The WikiWay, quick collaboration on the web », ainsi que l’interview de W.Cunningham (en anglais) en quatre parties que Bill Venners a publié en 2003, dans laquelle Ward Cunningham revient sur la genèse du premier wiki.

    2. L’ère du wiki

    Définir ce qu’est un wiki aujourd’hui n’est pas si simple. Le concept initial a en effet été dérivé et implémenté dans plusieurs centaines de moteurs de wikis. Et d’autres types de logiciels collaboratifs se sont inspirés des wikis. Certains « puristes » vous diront que pour être un wiki, l’édition des documents doit être effectuée à l’aide d’un langage de type WikiML, ce qui exclurait automatiquement les outils équipés d’un éditeur WYSIWYG. Dans le cas présent, nous nous en tiendrons à la définition de Brian Lamb, la plupart des moteurs de wikis modernes se dotant aujourd’hui d’un éditeur WYSIWYG.

    La définition communément admise est donc celle qui suit :
    « Un wiki est un site web collectif dans lequel un grand nombre de participants sont autorisés à modifier les pages et à en créer de nouvelles à l’aide de leur navigateur web. »
    Le moteur de wikis est quant à lui l’outil logiciel qui permet de maintenir le site.

    Wikipédia, l’encyclopédie libre. Logo Wikipédia original : © Wikimedia Foundation, tous droits réservés, adaptation par TheKMan.

    Il est courant d’utiliser le mot wiki pour décrire indifféremment le moteur de wikis ou le site web créé à l’aide d’un moteur de wikis, ce qui prête parfois à confusion.

    De très nombreuses variantes des moteurs de wikis existent aujourd’hui. Brian Lamb, dans son article très intéressant « Wikis, Ready or Not », insiste sur le fait que l’on retrouve des points communs à toutes ces variantes — création de pages et de liens à la volée —, mais aussi beaucoup de différences. Faute de standardisation, le dialecte WikiML n’est jamais le même d’une implémentation à l’autre bien qu’un standard, le WikiCreole, soit récemment apparu. En outre, les fonctionnalités varient en fonction de la cible visée par le logiciel wiki : les wikis communautaires tels UseMod ou MediaWiki (le logiciel utilisé par la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia), incluent par exemple des systèmes anti-spam, et certains wikis ciblés pour les intranets d’entreprise comme TWiki proposent de nombreuses extensions permettant d’utiliser le wiki comme une « plate-forme d’applications » capable de se connecter à des services externes du type LDAP, etc.

    Des fonctionnalités classiques

    On trouve des wikis écrits dans tous les langages : Perl, Java, C#, PHP, C, C , Python, etc. Certains — TWiki, MoinMoin, JotSpot, XWiki — sont dédiés à des applications de type intranet, d’autres — c’est le cas de UseMod et de C2wiki — sont destinés à la création de sites web collaboratifs publics. Le très populaire moteur de wikis, MediaWiki, se destine quant à lui à des sites web articulés autour d’une taxonomie. Peu à peu, avec l’apparition du Web 2.0 perçu comme le renouveau du World Wide Web et le développement de nouvelles technologies (Ajax, etc.), les interfaces graphiques se sont modernisées (éditeurs WYSIWYG). Par ailleurs, une nouvelle branche, les « wikis sémantiques », est apparue avec le développement des technologies du Web sémantique.

    Tous ces wikis utilisent les fonctionnalités principales du wiki de Ward Cunningham :

    • L’édition des pages à la volée est possible depuis le navigateur en un seul clic. Le bouton edit est bien en vue pour inviter les utilisateurs à modifier le document présenté.
    • L’édition permet un formatage limité. Elle est ainsi simplifiée et les utilisateurs peuvent produire plus facilement du contenu, sans se sentir tenus de passer du temps sur la présentation. La plupart des wikis supportent un langage de type WikiML ou bien proposent un éditeur WYSIWYG proche des fonctionnalités de formatage de texte de l’outil WordPad de Microsoft.
    • La création des pages à la volée est également possible en tapant un nouveau WikiWord. Une fois la page sauvegardée, il suffit de cliquer sur le WikiWord pour créer la page du même nom.
    • L’édition de la structure du site à la volée est induite par les deux fonctionnalités précédentes. On peut copier le contenu d’une page pour le répartir dans deux pages reliées à partir du navigateur web.
    • Une section « bac à sable » où tout un chacun peut s’entraîner à modifier et à créer des pages afin de se familiariser avec l’outil ou avec le langage WikiML en général est mise en place dès l’installation du site.
    • Le gestionnaire de version agit comme un « filet de sécurité » : ainsi, il est rassurant pour la communauté des utilisateurs de savoir que rien ne sera perdu sur le site, quoi qu’il arrive.
    • Une page contenant des liens vers les pages modifiées récemment(Recent Changes) est disponible.
    • Un moteur de recherche, le plus souvent basé sur des recherches par mot clé « à la Google », ou bien parfois basé sur des tags entrés par les utilisateurs (social tagging) est intégré.

    Le serveur wiki de l’IUP Miage de l’Université de Nice en 2001. Le logiciel wiki utilisé ici est TWiki, un des plus populaires. Les principales caractéristiques mises en valeur dans cette image montrent l’intérêt d’un tel outil pour la collaboration : suivi des modifications, pages facilement éditables, notification, statistiques d’utilisation, etc.

    Cet ensemble de fonctionnalités « de base » fait des wikis des outils à part. Simples et intuitifs, ils invitent les utilisateurs à devenir des auteurs. Mais ces caractéristiques techniques n’expliquent pas tout !

    Un logiciel relationnel ou social d’un nouveau genre

    Pourquoi dit-on des wikis que ce sont des logiciels sociaux uniques en leur genre ?

    Comme nous l’avons vu précédemment, l’histoire des wikis a commencé avec le wiki originel de Ward Cunningham, C2.com également appelé C2wiki. Ce premier wiki a connu une évolution très rapide, le nombre de pages et d’utilisateurs croissant de manière exponentielle. On a pu observer le même phénomène avec la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia ou avec d’autres wikis communautaires.

    Comment expliquer ces succès ? Tout d’abord, historiquement, personne ne s’attendait à une réaction aussi enthousiaste de la part des internautes. L’explication est autant d’ordre social que technique : participer, oui, mais pourvu qu’on me donne les moyens de collaborer et de communiquer simplement ! Il fallait donc non seulement des moyens techniques, mais aussi des moyens humains.

    Page d’accueil de Wikia, un annuaire de wikis.

    La question des droits des utilisateurs

    Outre la simplicité d’utilisation du wiki de Ward Cunningham, il est important de souligner que les utilisateurs n’étaient pas authentifiés : pas de login ni de mot de passe ! S’ouvre alors pour n’importe qui, la possibilité — révolutionnaire à l’époque — de créer et de modifier les pages d’un site web public, de changer la structure du site sans en demander la permission et de manière totalement anonyme ! Encore aujourd’hui, les trois principaux wikis communautaires Wikipédia, le wiki de Ward Cunningham et Meatball, qui a remplacé aujourd’hui le wiki de Ward Cunningham comme site où on parle de la WikiWay, n’acceptent que des contributions anonymes.

    Ward Cunningham a également eu une attitude assez remarquable au cours de l’évolution de son wiki. Il a en effet laissé les utilisateurs libres de se l’approprier. Que la discussion dévie et ne s’adresse plus à la communauté orientée objet ? Pas grave ! Que des utilisateurs publient des critiques corrosives ou que des polémiques s’installent ? On laisse faire ! Il ne s’est pas senti le droit moral de censurer ses utilisateurs. Après tout, si le wiki a été un tel phénomène, c’est bien parce qu’il était basé sur le respect d’autrui et sur l’idée que la parole de l’un vaut bien celle de l’autre.

    Mais attention, bien que Ward Cunningham n’ait pas censuré ses utilisateurs, il n’a jamais cessé d’être présent en contribuant aux nombreuses discussions qui sont apparues sur les pages de son wiki. Il n’a cessé de « jardiner son wiki ». D’autres utilisateurs passionnés se sont transformés en « jardiniers », si bien qu’au bout de quelque temps, le wiki s’est en quelque sorte auto-modéré.

    Lors de la conférence internationale sur les wikis, WikiSym 2005, Ward Cunningham a insisté sur les aspects sociaux : « A wiki is a work sustained by a community », « One’s words are a gift to the community… », « to collaborate on a work, one must trust… », etc.

    Il a toujours encouragé ses utilisateurs à ne pas signer leurs contributions, afin de limiter les problèmes d’ego. Il considère les documents du wiki comme de l’argile que chacun peut modeler à sa guise pour former une œuvre commune. Les pages étant créées par un auteur initial puis complétées, modifiées, remodelées par d’autres personnes, devenant « co-auteurs » à leur tour, il est de fait souvent impossible d’attribuer la paternité d’une page à une personne dans les wikis anonymes comme celui de Ward Cunningham ou Wikipédia.

    Ward Cunningham est convaincu que la nature humaine pousse à la collaboration – l’homme étant un animal social – et qu’en donnant ne serait-ce qu’une petite partie d’eux-mêmes, les utilisateurs d’un wiki produiront forcément quelque chose de bien. Selon lui, c’est cela qui pousse les utilisateurs à contribuer au travail de réflexion des autres. À ses yeux, c’est la preuve que des choses merveilleuses arrivent lorsqu’on se met à faire confiance aux gens plus que de raison.

    Un outil adapté à la structure sociale dynamique

    Si l’on regarde de plus près les grandes expériences de wikis communautaires apparus ces dix dernières années, (depuis le wiki initial) — comme l’encyclopédie en ligne Wikipédia ou le site communautaire Meatball —, la métaphore des documents vus comme de l’argile modelable par tout un chacun semble en effet fonctionner. Les contributeurs des wikis jouent le jeu et acceptent sans rechigner le principe de voir leurs idées remodelées par d’autres. Ils parviennent aussi à utiliser les idées des autres, à les mélanger, sans en perdre la substance.

    Il faut accepter que les choses évoluent, qu’une page web soit un objet vraiment dynamique dans le temps. Ceci est rendu possible par le concept de l’hypertexte : si une page devient trop longue, c’est qu’elle renferme trop d’idées, donc coupons-la en morceaux (en pages wikis), donnons des noms « parlants » à ces idées (les ChatMots) et relions-les ensemble. La manière avec laquelle les informations d’un wiki sont maillées, « brille » par ses ChatMots.

    Ici, il est pertinent de faire remarquer que les ChatMots sont signifiants, bien plus que des URLs peu lisibles. En effet, comparons par exemple l’URL « http://www.canalplus.com/prog.asp?day=today » avec sa traduction en ChatMot qui donnerait quelque chose comme ProgrammeCanalPlusDuJour. Les utilisateurs des premiers wikis communautaires devaient faire l’effort sémantique de bien choisir les mots pour décrire les documents qu’ils désiraient créer, ce qui rendait les liens dans les pages « parlants », tout comme un programmeur doit « bien » choisir les noms des classes.

    En jargon informatique, ce remodelage facile s’appelle la refactorisation (refactoring). Devenu incontournable aujourd’hui dans le monde du développement logiciel, le refactoring a été rendu populaire par les méthodes de Programmation Extrême (eXtreme Programming, ou XP en anglais) et de Programmation Agile. Il est intéressant de noter que le projet C3 de Chrysler (projet de gestion de paie) est historiquement le point de départ de l’eXtreme Programming. Ward Cunningham et surtout Kent Beck sont à l’origine de cette méthode, qu’ils ont tous deux mise au point quand ils travaillaient chez Chrysler. D’autant que la refactorisation était présente dans la culture SmallTalk dès le début.

    Ainsi, puisque le wiki est un outil de refactoring, la plupart des logiciels wikis publics « historiques » ne fournissaient pas de structure par défaut, ou bien des outils de structuration simples. Point de menus horizontaux et verticaux sur les bords de la page web, ni de bannière avec des onglets, ou encore de workflow de navigation à configurer avant de mettre le wiki en œuvre. Tout cela devient alors inutile, puisque ce sont les utilisateurs qui vont petit à petit structurer le wiki.

    Des règles « sociales » pour un fonctionnement idéal

    Certaines expériences de wikis publics ont été de retentissants échecs. On peut citer en exemple le wiki mis en ligne par le Los Angeles Times : il fut retiré au bout de deux jours, les pages étant rapidement vandalisées par des photos pornographiques. Ce cas fut discuté lors de la conférence Wikisym 2005. Quelles ont été les causes de cet échec ? Les responsables du L.A Times ont en fait commis de nombreuses erreurs : ils n’ont pas établi de communauté d’utilisateurs, ils n’ont pas « jardiné » leur wiki, ils sont arrivés à un moment où le Web était devenu une terre bien plus hostile qu’à l’époque où C2wiki ou Wikipédia se sont installés, si bien que leur wiki n’a pas eu le temps de s’auto-modérer.

    On retiendra de ce cas d’échec la confirmation que l’outil ne peut pas fonctionner si l’on ne tient pas compte de son aspect social. D’une part, il faut une communauté d’utilisateurs et d’autre part, ces utilisateurs doivent avoir envie de collaborer, de s’investir personnellement dans cette collaboration. Si les utilisateurs se contentent d’utiliser le wiki « en touristes », le wiki n’aura aucune chance de fonctionner.

    Une autre source d’échec purement conceptuelle et technique est le problème de la structuration des documents d’un wiki. L’organisation libre de la structure du wiki avec la plupart des moteurs de wikis fait qu’ils supportent difficilement la mise à l’échelle. Les wikis d’entreprises notamment montrent des exemples d’échecs dus à ce type de problèmes.

    En guise de conclusion, on peut dire que les wikis sont aujourd’hui bien ancrés dans les pratiques culturelles. Peu à peu, ces outils collaboratifs ont envahi la toile et en se démocratisant, ils sont entrés dans une nouvelle phase de développement. Dans un second article à paraître prochainement sur Interstices, nous aborderons l’évolution des wikis, leur impact sur le monde de l’entreprise et sur l’émergence du Web 2.0. L’étude se terminera ainsi par une présentation des wikis issus du monde de la recherche, tirant parti à la fois des innovations du Web 2.0 et des technologies du Web sémantique.

    En francais

    • Jérôme Delacroix, Les wikis, espaces de l’intelligence collective, M2 Éditions, 2005.
    • Michel Buffa, Jean-Claude Grattarola, Peter Sander, Une nouvelle forme de coopération, nationale et internationale, entre laboratoires de recherche et entre filières d’enseignement, Revue Information Science for Decision Making, n°10, 2003; voir l’article en accès libre (PDF, 701 Ko).
    • Pierre Lévy, L’intelligence collective, Éditions La Découverte, Paris, 1997, p.12.

    En anglais

    Newsletter

    Le responsable de ce traitement est Inria. En saisissant votre adresse mail, vous consentez à recevoir chaque mois une sélection d'articles et à ce que vos données soient collectées et stockées comme décrit dans notre politique de confidentialité

    Niveau de lecture

    Aidez-nous à évaluer le niveau de lecture de ce document.

    Si vous souhaitez expliquer votre choix, vous pouvez ajouter un commentaire (Il ne sera pas publié).

    Votre choix a été pris en compte. Merci d'avoir estimé le niveau de ce document !

    Michel Buffa

    Maître de conférences à l'Université de Nice, chercheur dans l'équipe KEWI du laboratoire I3S. Co-auteur du wiki sémantique SweetWiki avec les membres de l'équipe EDELWEISS d'Inria.

    Voir le profil

    Découvrez le(s) dossier(s) associé(s) à cet article :

    DossierCulture & Société
    Données

    Web