Comment la modélisation peut-elle aider au développement des vaccins ?
Écoutez l'interview de Rodolphe Thiébaut
Rodolphe Thiébaut
Comme nous l’explique Rodolphe Thiébaut, l’immunologie est une discipline en permanente révolution depuis plusieurs dizaines d’années, notamment grâce aux progrès biotechnologiques (séquençage du génome, imagerie médicale, etc.). Ces progrès ont engendré une masse de données à l’échelle d’un patient qu’il faut pouvoir traiter. Analyser et comprendre ces données est un enjeu crucial pour répondre à certaines questions en immunologie.
L’approche par modélisation peut aider à la compréhension des mécanismes biologiques en jeu dans la réponse immunitaire à un vaccin. Dans le contexte d’une épidémie telle celle de la maladie à virus Ebola par exemple, il s’agit de mieux comprendre comment un individu répond à un vaccin et comment il va développer une réponse immunitaire pour se défendre contre les agents infectieux. Comment cela se traduit-il d’un point de vue scientifique ? L’un des axes de recherche développé dans l’équipe SISTM est d’étudier les différents modèles possibles de réponses au vaccin Ebola et de les traduire sous la forme de modèles mathématiques puis de les comparer aux données. On parle alors de problème inverse quand on dispose de données que l’on a observées et qu’on essaie, à partir de ces données, de retrouver l’équation, le modèle mathématique qui gouverne ces données. On dit parfois qu’en observant les effets, on essaie de retrouver, ou d’inférer, les causes.
Dans un contexte où on étudie des probabilités (quand on connaît exactement la théorie mathématique du problème), ou bien des statistiques (on dispose seulement de données), la formule de Bayes est aussi une formule qui « renverse » le point de vue entre les causes et les effets.
Par exemple, on sait qu’en moyenne, chaque personne en France achète 675 g de pâtes par mois en temps normal et presque 2 kg en période de confinement. Ici la cause est le confinement (ou non) et l’effet est la quantité de pâtes achetées. Si vous observez que ce mois-ci, les achats de pâtes sont en moyenne proches de 2 kg par personne — autrement dit, si vous observez un effet — vous pouvez en déduire avec une forte probabilité que ce mois-ci est un mois de confinement, autrement dit vous pouvez déduire la cause. Plus précisément, l’approche bayésienne consisterait dans cet exemple à déterminer la probabilité d’être ou non dans une période de confinement en observant la quantité de pâtes achetées.
Dans le cas de modèles biologiques, la probabilité obtenue pour une cause donnée, prise comme hypothèse de travail, s’interprète comme le degré de confiance à accorder à cette cause hypothétique.
Un autre axe de recherche étudié par l’équipe concerne la prédiction : l’idée est de prédire suite à une injection la réponse immunitaire qui va s’installer et sa durabilité, ce qui pourrait à terme permettre d’accélérer les phases précoces de développement vaccinal selon Rodolphe Thiébaut. Si ces travaux tendent à faire avancer la recherche clinique dans son ensemble, de nombreux défis scientifiques restent à relever dans ces domaines, que ce soit sur les techniques d’apprentissage machine (apprentissage profond) ou dans la modélisation des mécanismes biologiques. Dans cet entretien, Rodolphe Thiébaut évoque ainsi des pistes de recherche prometteuses pour contribuer à l’amélioration et au développement des vaccins. Il ne reste plus qu’à espérer que les essais se transforment en réussites !
Newsletter
Le responsable de ce traitement est Inria. En saisissant votre adresse mail, vous consentez à recevoir chaque mois une sélection d'articles et à ce que vos données soient collectées et stockées comme décrit dans notre politique de confidentialité
Niveau de lecture
Aidez-nous à évaluer le niveau de lecture de ce document.
Votre choix a été pris en compte. Merci d'avoir estimé le niveau de ce document !
Joanna Jongwane
Rédactrice en chef d'Interstices, Direction de la communication d'Inria