Les Newsletters Interstices
    Niveau facile
    Niveau 1 : Facile

    Le logiciel libre et ouvert : révolution ou évolution ?

    Culture & Société
    Langages, programmation & logiciel
    Une question fondamentale pour la communauté de la recherche, et plus particulièrement pour quelqu'un qui s'occupe de réussir le transfert des résultats de la recherche, est de comprendre, au-delà des clivages idéologiques, en quoi la dynamique du logiciel libre et ouvert facilite la création d'un dialogue permanent entre recherche, industrie et société.

    1. La problématique du logiciel libre et ouvert

    Quelques mots d’histoire permettront de mieux comprendre l’origine de cette problématique. Au début, jusque dans les années 1960, le monde de l’informatique était peuplé de machines, des calculateurs lourds et peu rapides pour lesquels il fallait aménager des « cavernes » adaptées. L’informatique signifiait lampes, circuits, fils et transistors. Le logiciel bien sûr existait, mais n’avait pas de personnalité propre ; d’ailleurs, le constructeur ne facturait pas le logiciel qu’il livrait avec la machine. En ce temps-là, les constructeurs régnaient en maîtres sur la planète informatique, dans un éco-système peuplé de tribus quasiment incapables d’échanger des données ou du logiciel si elles n’étaient pas marquées du même totem vénéré. Échange, communication, interopérabilité en-dehors de sa tribu étaient des mots vides de sens, et la seule solution semblait le monopole du dominant.

    Dessin : François Cointe.

    Puis sont arrivés, durant la décennie des années 1970, deux projets révolutionnaires. Le premier est celui d’un réseau informatique longue distance, robuste et pouvant connecter tout type de machine ; le deuxième est celui d’un système d’exploitation (abrégé OS pour « Operating System » en anglais) indépendant du matériel. Le premier donna naissance à la révolution Internet, avec comme premières applications le courrier électronique ou « mail » (sendmail) et le transfert de fichier (ftp) ; le deuxième fut l’aventure Unix. (Cette genèse est très bien décrite par Diane Revillard dans son livre blanc sur « Organisations et Logiciels Libres »). On s’aperçoit rétrospectivement que la réussite de tels projets de développement de logiciel tenait au fait qu’ils étaient « open source ». Cette dénomination n’existait pas à l’époque, et encore moins celle de logiciel libre. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, les chercheurs faisaient de l’open source sans le savoir, simplement parce que c’était le mode habituel pour partager un projet de développement de code dans la sphère académique. (On remarquera qu’il y en a eu d’autres, par exemple les débuts du projet Matlab.) De ces aventures, il nous reste l’exemplarité, la compréhension des mécanismes et une licence, la BSD, la première du monde du logiciel libre et ouvert.

    Dessin : François Cointe.

    Face au pouvoir des éditeurs

    Au début des années 1980, la diffusion en masse de l’informatique auprès de cibles à profil non technique, et la prise de conscience de la valeur intrinsèque du logiciel en tant que tel se sont traduites par la montée en puissance d’une nouvelle espèce d’acteurs : les éditeurs de logiciel. Ceux-ci avaient pour ambition de devenir les acteurs dominants, avec comme conséquence, une protection du savoir et du savoir-faire par la vieille technique du secret.

    Dessin : François Cointe.

    Il a fallu attendre 1984 pour qu’en réponse à la fermeture et à la réappropriation des codes sources qui était possible avec la licence BSD, Richard Stallman, un chercheur en informatique du MIT, lance avec la licence GNU GPL l’aventure du « free software » qui devient logiciel libre en français. Est-ce à dire que le code source d’un logiciel diffusé avec la licence BSD était moins libre ? Non bien sûr, mais on voit immédiatement qu’au-delà de l’accès au code source, ce sont les droits et obligations que confère la licence avec laquelle le logiciel est diffusé qui font la différence d’appréciation de cette liberté. La conséquence immédiate a été que les informaticiens fervents partisans du logiciel libre et de l’open source se sont mis à mieux comprendre le droit de la propriété intellectuelle et, notamment en France, le droit de la propriété littéraire et artistique auquel est rattaché le logiciel… et même pour certains jusqu’à en devenir des spécialistes.

    Quelles libertés ?

    À partir de la fin des années 1990, deux courants de pensées du libre – « logiciel libre » et « logiciel open source » – vont coexister mais en partageant un socle commun de principes. Ces principes, transcrits dans la licence, garantissent un certain nombre de libertés aux utilisateurs du logiciel, dont la première est celle de pouvoir accéder au code source afin d’étudier son fonctionnement et de l’adapter à leurs besoins. Viennent ensuite la liberté de l’utiliser et de l’exécuter pour quelque usage, la liberté d’en redistribuer des copies et enfin la liberté de l’améliorer et de rendre publiques les améliorations, de telle sorte que la communauté toute entière en bénéficie.

    En restant très schématique, la différence entre les courants « logiciel libre » et « logiciel open source » tient essentiellement dans les acceptions du mot « liberté », qui dans la GNU GPL se traduit parfois par obligation de redistribution. Pour les tenants de l’approche lancée par R. Stallman, il ne peut y avoir, en dehors des logiciels diffusés avec la licence GNU GPL, d’autres « logiciels libres », traduction de « free software ». (En l’occurrence, l’expression française est plus précise dans l’esprit que l’expression anglaise, puisque que free peut aussi se traduire par gratuit… or l’utilisation de la GNU GPL n’interdit pas une diffusion du logiciel payante.) Pour d’autres (voir le site de l’Open Source Initiative), la dynamique du logiciel libre ne peut se réduire à la seule utilisation de la licence GNU GPL… la preuve en étant que le mouvement a été lancé avec l’utilisation de la BSD. Ce sont ceux qui parlent de logiciel « open source », sans qu’une traduction se soit imposée en français, même si l’on pourrait parfaitement parler de logiciel ouvert.

    Pour plus de détails, je renverrais à lecture du livre blanc de Diane Revillard ou aux définitions sur wikipédia, celle du logiciel libre et celle de l’open source. Il me semble cependant que le plus simple serait de parler de « logiciel libre et ouvert » et rapporter les courants de pensée aux licences utilisées, que l’on peut schématiquement ramener à une analyse d’un tableau à quatre entrées : diffusion virale ou non, liberté héréditaire ou non-héréditaire (ce tableau a été établi par un groupe de travail interne à Inria en 2002). Le choix d’une licence est primordial, nous y reviendrons en partie 3.

    Créer une dynamique

    En quoi la dynamique du logiciel libre et ouvert est-elle une révolution ou une évolution pour faciliter le dialogue entre recherche, industrie et société ; en quoi le logiciel libre et ouvert crée-t-il une dynamique facilitant la transformation d’une part de l’expression de besoins socio-économiques en questionnements scientifiques et d’autre part de résultats technologiques en produits ou solutions pour les entreprises et les citoyens ?

    Au dix-neuvième siècle et durant près d’un siècle et demi, la révolution industrielle s’est majoritairement construite sur des « secrets » de fabrication et des brevets donnant un droit de monopole. Jusqu’à présent, l »industrie de l’informatique s’est construite aussi sur les mêmes principes. Parce que l’informatique est tout à la fois une science, une technologie et une industrie, le passage à l’ère numérique et l’entrée de nos civilisations dans la société de l’information donnent à l’informatique et surtout au logiciel une importance toute particulière.

    Selon les tenants de la GNU GPL, l’enjeu réel du logiciel libre est avant tout social, car le mouvement lancé par R. Stallman prend racine dans un idéal qui postule la liberté et le caractère universel du savoir et de l’information. D’autres courants « open source » sont plus pragmatiques, moins idéologiques, et considèrent que le logiciel libre et ouvert est un nouveau mode de relations entre les entreprises, les clients, les citoyens et les chercheurs.

    Mais au-delà de ces distinctions, il est essentiel de garder à l’esprit que dans le secteur de l’informatique, les notions de communauté d’utilisateurs, de partage d’information et d’ouverture des codes sources représentent une longue tradition.

    2. Le logiciel libre, objet de recherche et de transfert

    En sciences de l’information et de la communication, le logiciel libre est d’abord un moyen privilégié de collaboration et d’échange entre chercheurs. Il permet d’expérimenter facilement une idée. Il favorise la diffusion d’un résultat, au même titre qu’une publication. Sa réutilisation contribue à l’accumulation de savoir et savoir-faire.

    Par ailleurs, en facilitant l’incorporation immédiate de code issu de la recherche dans les solutions utilisées dans le monde socio-économique, le logiciel libre est également un moyen de raccourcir le transfert. C’est un moyen de transformation des connaissances en technologie puis en produits ou solutions.

    Qu’il s’agisse de recherche ou de transfert, l’exigence de qualité sur l’architecture et le code du logiciel est croissante. Nous sommes, en tant que chercheurs, conduits à professionnaliser notre approche sur le développement logiciel, avec une ambition forte de diffusion internationale et un souci constant de qualité favorisant la réutilisation.

    Il faut passer de la création d’un logiciel par un procédé « artisanal », consommateur de la matière grise d’un individu, à un processus qui peut impliquer plusieurs dizaines ou centaines d’individus. La solution est de maximiser la réutilisation des logiciels en s’assurant de leur interopérabilité grâce au respect des standards ouverts.

    Rendre le logiciel libre permet le partage des efforts et facilite l’accès et la mutualisation de technologies. Obtenir un retour des utilisateurs doit permettre de valider le travail et de faire émerger de nouvelles problématiques de recherche.

    Un positionnement pragmatique

    Avec le logiciel libre, vu ici au niveau de l’Europe, il est possible de prévoir l’élaboration d’un modèle économique intelligent et économe, créateur de valeur et d’innovation. On crée aussi une réelle indépendance commerciale face à des produits logiciels parfois en situation de monopole. En effet, on crée un écosystème où les utilisateurs sont au centre et ne sont plus passifs. Développer des logiciels n’est pas gratuit. Alors, dans ce modèle, les coûts de développements sont partagés par une communauté qui profite du travail collectif et les coûts de tests et de mise au point, partagés avec les utilisateurs du système développé. Le coût se mesure ici surtout en temps. Participer au développement, donc à la vie d’un logiciel libre et ouvert, ne signifie pas travailler bénévolement. Bien au contraire, proposer des services multiples à l’utilisateur et des logiciels applicatifs basés sur des modules logiciels libres existants est une manière très efficace de développer une activité économique.

    Dessin : François Cointe.

    Cette approche n’est pas idéologique. L’open source est un excellent outil de valorisation lorsqu’il s’agit de renforcer l’interopérabilité et de mutualiser des infrastructures pour élaborer de nouveaux standards. Mais cela ne veut pas dire que tous les logiciels développés par les chercheurs doivent être diffusés sous licence open source. Il ne s’agit pas d’opposer à tout prix logiciel libre et logiciel « propriétaire ». Dans de nombreux cas, les licences d’exploitation ad hoc restent préférables. Cette approche est pragmatique, avec un seul objectif : maximiser l’impact des résultats des recherches. Il n’y a pas de chemin unique.

    Mutualiser les efforts

    Pour mener à bien un projet de développement de logiciel, un environnement de travail collaboratif peut être mis en place. Une telle « forge » logicielle met à la disposition des scientifiques et des développeurs une grande panoplie d’outils, pour la gestion de versions du logiciel, le suivi de bogues et des améliorations, la gestion des tâches de développement, ainsi que des outils de communication (listes de diffusion, forums, pages de documents, etc.). Ces outils sont gérés de façon intégrée via une interface web, comprenant un espace public et un espace privé. L’environnement de travail évolue et s’adapte en fonction du projet. Cela favorise de bonnes pratiques de travail collaboratif et facilite la diffusion du logiciel.

    Parmi les nombreuses forges existantes, sourceforge est sans doute la plus connue. Autre exemple, bugzilla est la forge logicielle associée au logiciel libre Mozilla. Et on peut aussi citer LibreSource, environnement collaboratif issu d’une plate-forme financée par le RNTL.

    Associer les utilisateurs à l’évolution d’un logiciel, c’est garantir qu’il soit réellement adapté à leurs besoins et évolue en fonction d’eux. Une solution est de créer un « consortium », auquel adhèrent ces utilisateurs. Ce modèle de développement a été choisi pour développer la communauté open source du middleware avec ObjectWeb et pour développer le logiciel de calcul numérique scientifique Scilab. Il facilite la transition du logiciel libre de l’« objet de recherche », déconnecté des enjeux du marché, vers un « objet de transfert », intégré aux logiques industrielles sans renier la démarche de recherche scientifique. Il y a plusieurs modèles de gouvernance et de développement pour ces consortiums. Par exemple, pour le consortium Scilab, une équipe dédiée au développement du logiciel s’appuie sur les compétences et le support de tous les membres du consortium et sur des ressources externes. L’équipe de développement offre un support et un vrai service. La sécurité juridique est également assurée. De quoi gagner la confiance de plus en plus d’utilisateurs !

    Des applications de plus en plus larges

    Les entreprises comme l’administration publique commencent à déployer des solutions fondées sur des architectures open source. Elles y voient surtout un moyen de faciliter l’interopérabilité par la standardisation de l’infrastructure logicielle. Facilité de déploiement des innovations, rapidité de mise en œuvre des solutions client, mise en concurrence et maîtrise des coûts font partie des conséquences espérées.

    Dans ce contexte, de nombreux acteurs industriels ou associatifs (comme l’AFUL, Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres) sollicitent les instituts publics pour travailler sur le sujet, car cette dynamique rencontre encore des réticences, à cause surtout des questions de pérennité, de qualité et de garanties juridiques. La réponse à ces questions est la priorité afin de créer la confiance nécessaire aux succès des modèles économiques fondés sur des logiciels libres et ouverts. Par leur engagement, les instituts publics sont en mesure de contribuer à garantir la pérennité. Il est surtout nécessaire de définir un cadre juridique clair.

    3. CeCILL, une famille de licences de droit français

    Pour amplifier le développement, la diffusion et l’utilisation des logiciels libres, les organismes publics et les entreprises ont donc besoin d’un cadre juridique clair : c’est le rôle des licences qui définissent les droits et devoirs des licenciés et des concédants.

    Les licences de logiciels libres de type open source font pour la plupart référence au droit nord-américain. La conformité de ces licences au droit européen est sujette à débat, ce qui génère un manque de confiance notamment sur les principes de la garantie, de la responsabilité et du droit d’auteur.

    C’est pourquoi, en 2004, le CEA, le CNRS et Inria ont élaboré CeCILL, première licence française de logiciel libre. CeCILL est maintenant diffusée en version 2, et deux autres licences sont disponibles, CeCILL-B et CeCILL-C.

    Dessin : François Cointe.

    Quelle licence choisir ?

    C’est par les droits et obligations que confère la licence avec laquelle il est diffusé qu’un logiciel peut être qualifié de libre (ou open source) ou non-libre.

    • CeCILL reprend les principes de la GNU GPL. Celui qui distribue un logiciel réalisé à partir d’un logiciel sous CeCILL est tenu de le distribuer sous CeCILL.
    • CeCILL-B donne une grande liberté au licencié au même titre que la licence BSD. Le licencié peut modifier le logiciel et diffuser le résultat avec une licence de son choix. La contrepartie est l’obligation de citation par le licencié de l’usage du logiciel à travers une page Web publique, ce qui répond à l’objectif fort de mesure bibliométrique d’impact.
    • CeCILL-C a été conçue pour le cas des bibliothèques et plus généralement des composants logiciels. Dans l’esprit de la LGPL (qui n’est plus vraiment adaptée à certaines situations), elle demande aux utilisateurs de rediffuser à la communauté les modifications qu’ils réalisent sur un logiciel sous CeCILL-C.

    Le choix d’une licence est donc un élément clé pour la diffusion d’un logiciel et pour son succès. C’est une décision que les équipes de recherche peuvent prendre avec un spécialiste de valorisation industrielle, afin de trouver l’adéquation entre les objectifs recherchés et les conséquences pour le chercheur, son équipe et son employeur, qui est le détenteur des droits patrimoniaux.

    Il y a des liens importants entre ces licences logicielles et la licence CreativeCommons qui permet de partager librement mais de manière sûre des documents ou des œuvres sur Internet, ou des licences liées à la production artistique.

    Alors, révolution ou évolution ?

    À partir de cette brève présentation des arguments liés à la diffusion sous licences libres et ouvertes des logiciels issus de la recherche, que peut-on conclure des changements induits dans les interactions de la recherche d’une part avec elle-même et d’autre part avec le reste de la société (entreprises, administrations, citoyens, etc.) ? Constituent-ils une révolution à accomplir ou plutôt une évolution à réussir ?

    La première mission de la recherche est d’explorer l’inconnu, d’essayer d’apporter des réponses en développant de nouveaux savoirs, de nouvelles connaissances. Faciliter, grâce à des diffusions sous licences libres, la réutilisation de connaissances implicites qui sont matérialisées dans des lignes de programme, s’inscrit dans la tradition de la publication des résultats de la recherche depuis la fin du XVIIe siècle. Il n’y a vraiment rien de révolutionnaire dans cette modalité. Il s’agit juste de s’adapter à cette évolution, et notamment d’adapter un des mécanismes importants pour la carrière des chercheurs : la mesure de notoriété et de citations. Il y a, cependant, un changement notable, une évolution majeure dans le rythme de création. En facilitant la réutilisation rapide de savoir et savoir-faire, la diffusion libre et ouverte de logiciel accélère notablement la création de connaissances disciplinaires, mais aussi, et c’est peut-être cela le plus important, dans les disciplines connexes voire dans des communautés plus éloignées.

    Parce qu’elle est immergée dans le monde réel et donc en fait partie, la recherche doit écouter les problèmes issus de ce monde, afin tout à la fois de ressourcer son questionnement et de proposer des technologies aptes à participer à l’élaboration de solutions satisfaisant les besoins socio-économiques de ce monde. La diffusion de savoir et de savoir-faire, par les logiciels libres et ouverts, apporte trois évolutions majeures. Elle accélère le transfert de technologie issue de la recherche vers le monde socio-économique avec un coût de transaction quasi-nul. Elle contribue à la standardisation et à l’interopérabilité, donc accélère encore plus la réutilisation et l’accumulation rapide de technologie. Et, de manière plus générale, elle favorise le dialogue entre recherche et société.

    Justement, du point de vue de la société, le logiciel devient de plus en plus un objet du quotidien, c’est l’avènement de la société numérique. Les conséquences des choix faits dans ce domaine ont un impact majeur sur des pans entiers de la société et de certains secteurs économiques qui devront s’adapter. Pour eux, c’est une vraie révolution. Tout changement est difficile, surtout si on ne l’a pas anticipé… Or des forces conservatrices sont accrochées à des modèles d’affaires n’ayant pas évolué depuis des décennies. Un bon exemple en est le récent débat autour du projet de loi DADVSI (Droits d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information), où les fournisseurs de logiciels libres P2P seraient condamnables pour un usage illicite de leur logiciel : c’est le fabricant de l’outil qui est responsable, et pas celui qui utilise illicitement l’outil… comme si le constructeur de voitures était responsable de l’accident commis par un chauffard alcoolique, ou encore le fabricant de marteaux lorsqu’un psychopathe tue sa victime avec cet outil. Il y a donc danger.

    Ouvert et partagé, mais applicable aux mutations structurelles d’une économie de services complexes, telle est ma conception du logiciel libre et ouvert : mondialiser les savoirs, mutualiser les savoir-faire, et encourager ici les nécessaires applications industrielles du « libre ». La culture du logiciel libre est légitime dans sa propension à partager des savoirs et à créer une dynamique vertueuse de mutualisation des technologies structurantes. Je considère que c’est une chance à saisir pour la recherche et comme vecteur de transfert et d’innovation industrielle. Mais si la diffusion du logiciel libre et ouvert est une alternative crédible au logiciel dit propriétaire, ce n’est ni un renoncement à ce mode de diffusion, ni une opposition de fait aux logiques commerciales. C’est une occasion d’ouvrir de nouveaux espaces d’expression et de collaborations, de promouvoir d’autres modèles et, pourquoi pas, de favoriser la mutation et l’évolution du paysage économique. (Ce dernier paragraphe reprend la conclusion que j’ai formulée dans une tribune publiée dans Les Echos daté du 23 février 2006 et dont la publication témoigne que le monde économique est en train d’entendre ces arguments.)

    Newsletter

    Le responsable de ce traitement est Inria. En saisissant votre adresse mail, vous consentez à recevoir chaque mois une sélection d'articles et à ce que vos données soient collectées et stockées comme décrit dans notre politique de confidentialité

    Niveau de lecture

    Aidez-nous à évaluer le niveau de lecture de ce document.

    Si vous souhaitez expliquer votre choix, vous pouvez ajouter un commentaire (Il ne sera pas publié).

    Votre choix a été pris en compte. Merci d'avoir estimé le niveau de ce document !

    Gérard Giraudon

    De 1999 à 2006, Directeur du développement et des relations industrielles de l'Inria, puis directeur du centre de recherche Inria Sophia Antipolis Méditerranée jusqu'à fin 2017. Chercheur en traitement d'images et en architecture logicielle.
    Voir le profil