Une assistance numérique pour les personnes âgées : le projet DomAssist
Enjeux sociétaux
Le vieillissement démographique et ses enjeux sociétaux sont connus et largement argumentés aujourd’hui. En particulier, concernant la perte d’autonomie, les projections sociodémographiques prévoient d’ici 2040 en France presque deux millions de personnes âgées dépendantes au lieu d’un million actuellement. Si ces projections reflètent une augmentation de la longévité due notamment aux progrès de la médecine, elles obligent à repenser les capacités d’accueil en établissements spécialisés ou à réinventer les conditions de maintien à domicile des personnes âgées. La première solution étant financièrement hors d’atteinte pour les pouvoirs publics, la deuxième solution est donc considérée comme la voie à privilégier pour l’avenir. Cependant, vieillir au domicile peut être compromis du fait d’une part, des pertes d’autonomie associées au vieillissement et d’autre part, de la charge des aidants, notamment les risques psychosociaux encourus par l’entourage ou les professionnels beaucoup trop ou mal sollicités dans leurs missions d’accompagnement de la personne âgée en perte d’autonomie. Dans ce contexte, les gérontechnologies sont attendues comme des solutions prometteuses de support au prolongement du maintien à domicile des personnes âgées, mêmes dépendantes, voire comme le terreau fertile d’une nouvelle économie appelée la Silver Economie. Les technologies numériques ont le potentiel d’améliorer la vie quotidienne des personnes âgées et de leur famille dans de nombreux domaines, tels que la santé, la mobilité, les activités domestiques, ou encore la communication et les activités de loisirs. Cependant, comme en témoignent les études sur les usages des technologies, il reste encore un long chemin à parcourir pour que les gérontechnologies soient réellement accessibles et adoptées par les personnes âgées.
Enjeux scientifiques
Les enjeux scientifiques liés à ces nouvelles technologies pour l’assistance sont nombreux. Ils concernent principalement quatre grands domaines.
- Les sciences du numérique. Les enjeux liés aux technologies de l’informatique ubiquitaire, sensibles au profil de la personne, à ses activités et à leur contexte, lancent des défis loin d’être résolus, qui relèvent de la fiabilité des systèmes, de leur certification, et du respect de la vie privée des personnes.
- La santé. Les enjeux liés à la remédiation et la réhabilitation sont importants. Par exemple, comment les systèmes d’assistance peuvent-ils soutenir l’autonomie des personnes et améliorer leur santé tout en respectant leur liberté d’agir et d’autodétermination ?
- L’ergonomie et les facteurs humains. Les enjeux sont à l’interface des deux domaines précédents. Une analyse et une prise en compte exacte des besoins et des attentes des personnes sont nécessaires pour rendre efficaces les systèmes, mais aussi les rendre accessibles et acceptables à un public peu technophile, pour une adoption à long terme.
- Le transfert technologique. Une réelle efficacité des systèmes au niveau de la société ne sera observée que si le passage à l’échelle de ces technologies est possible. Un transfert technologique nécessite par ailleurs de faire émerger de nouveaux écosystèmes de l’assistance et de nouveaux métiers alliant accompagnement humain et accompagnement technologique.
C’est dans ce contexte que le projet de recherche DomAssist a vu le jour. Son originalité est d’associer des compétences scientifiques et professionnelles multidomaines, en accord avec les enjeux scientifiques décrits ci-dessus, afin d’élaborer un assistant consacré aux besoins spécifiques des personnes âgées au domicile.
- Réseau public départemental des aides à domicile, dépendant de l’Union départementale des centres communaux d’action sociale (UDCCAS) de Gironde ;
- Conseil régional d’Aquitaine ;
- Conseil départemental de Gironde (missions « Aménagement du territoire numérique » et « Personnes Agées & Handicap ») ;
- Chambre des métiers et de l’artisanat d’Aquitaine ;
- Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie (CNSA) ;
- Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) Aquitaine ;
- Agence régionale de santé d’Aquitaine ;
- Cluster TIC santé Aquitaine et la Silver Aquitaine ;
- CLIC Gironde.
Objectif et méthode
Ce projet vise à concevoir et à valider l’efficacité d’une technologie d’assistance domiciliaire, appelée DomAssist. Celle-ci doit être accessible au plus grand nombre, que ce soit en termes de coût financier, de localisation rurale ou urbaine, de type de logement, ou encore d’aptitudes technologiques.
La conception de la technologie DomAssist repose sur une démarche centrée utilisateur, c’est-à-dire dirigée par les besoins des futurs utilisateurs, les personnes âgées, et de leur entourage social, un aidant formel et un aidant familial. Cette démarche comprend les quatre étapes suivantes :
- Étape 1 : Analyse des besoins dans les domaines sensibles aux effets du vieillissement (activités quotidiennes, sécurité de la personne et du domicile, lien social) et diagnostic des capacités en présence (aptitudes cognitives, physiques, technologiques, etc.) ;
- Étape 2 : Rédaction d’un cahier des charges. Identification des objectifs désirés et des stratégies compensatoires ou d’assistance à mettre en œuvre, inspirées directement des recherches cliniques ;
- Étape 3 : Développement des applications d’assistance. Un catalogue d’applications personnalisables selon les profils des utilisateurs (en fonction de leur niveau d’autonomie) et les besoins relatifs aux missions des aidants. Ce catalogue contient un ensemble d’applications accessibles, dans l’esprit des « Stores » spécialisés pour les smartphones. Il est alimenté par un atelier de création d’applications qui permet de développer rapidement des services d’assistance sans limitation a priori de leur nombre. Le développement logiciel est conforme aux normes ergonomiques d’accessibilité propres aux personnes âgées et à l’évaluation de la technologie auprès d’utilisateurs âgés grâce à des mesures d’acceptabilité et d’utilisabilité ;
- Étape 4 : Évaluation des bénéfices pour la personne, son entourage et la société selon des critères de réussite préalablement définis (nombre de jours d’hospitalisation, bien-être et autonomie de la personne et de ses aidants, etc.).
Technologie DomAssist
La plate-forme DomAssist assure l’orchestration logicielle d’objets communicants placés au domicile de la personne. Ces objets matériels et logiciels comprennent :
- des capteurs-actionneurs sans fil disponibles en grande surface à bas coût (détecteur de mouvement, de contact, contrôleur de prise électrique, etc.) ;
- des services logiciels (agenda partagé, ressources internet) ;
- deux tablettes numériques tactiles.
La première tablette, stationnaire, est placée à un endroit central de la maison, pour servir soit de tableau de bord où l’utilisateur recevra les services d’assistance en cas de besoin détecté par le système, soit de cadre numérique de partage de photos avec l’entourage proche. La seconde tablette, mobile, sert aux activités sociales et de loisir de la personne.
L’analyse des besoins pour la vie domiciliaire autonome recueillis auprès de 525 personnes âgées vivant au domicile ainsi que l’étude des besoins exprimés en termes de technologies d’assistance désirées par 100 personnes âgées et aidants, conduites lors de la première étape du projet, ont permis de définir le périmètre à couvrir par les assistances de la technologie DomAssist. Ainsi, DomAssist propose des services d’assistance dans trois grands domaines :
- les activités quotidiennes avec une surveillance de la réalisation d’activités (prise de repas, toilette, habillage, lever-coucher, etc.), un rappel de rendez-vous et un bilan personnalisé des activités réalisées dans la journée ;
- la sécurité de la personne et de son domicile avec, par exemple, la disposition d’un chemin lumineux, d’une surveillance de la cuisinière, et une alerte à un aidant en cas de situation inhabituelle ou préoccupante ;
- la participation sociale à travers les activités de communication et de loisirs, en proposant un service simplifié de courriels, une application d’appel en visioconférence et des applications de loisirs personnalisées en fonction des préférences des utilisateurs (applications de cuisine, bibliothèque multimédia, jeux solitaires ou collaboratifs, etc.).
Les applications d’assistance sont toutes conçues selon une approche centrée utilisateur et prennent en compte les spécificités de chaque personne, ses capacités, ses besoins, ses attentes.
Par exemple, certaines des applications sont basées sur les activités que la personne réalise tout au long de la journée à son domicile. Dans le cadre de l’assistance pour le prolongement de la vie au domicile, il est important de pouvoir surveiller ces activités, car il s’agit d’aptitudes qui reflètent le statut fonctionnel d’un individu. Vérifier que ces activités sont effectivement réalisées est notamment un facteur décisif pour déterminer le type et le niveau d’assistance dont la personne a besoin.
Dans cette optique, nous avons développé et validé expérimentalement une approche originale intégrant les savoirs acquis sur le fonctionnement quotidien de la personne âgée et les technologies ubiquitaires à base de capteurs visant la reconnaissance d’activités. Précisément, notre approche s’appuie sur le fait qu’avec la sénescence, plus une personne subit des pertes associées au vieillissement, plus ses activités de la vie quotidienne deviennent routinières afin d’optimiser son fonctionnement quotidien. Par conséquent, ses activités n’ont pas besoin d’être reconnues de manière exacte ou inférées (comme dans les approches classiques de détection du signal dites « dirigées par les données »), mais peuvent être vérifiées de manière approximative en termes de conformité avec la routine déclarée par l’individu (approches dites « dirigées par les connaissances sur les utilisateurs »). Nous avons pu démontrer que notre approche automatique de vérification d’activités était aussi fiable que celle exécutée par un ergonome.
La figure ci-dessus illustre la détection des activités quotidiennes d’un participant sur une période de cinq jours. Sur ce graphique, nous pouvons observer que la détection des activités de petit-déjeuner et de toilette sont optimales, mais que l’activité d’habillage est détectée de manière moins précise. Cet effet peut être expliqué par le nombre de capteurs utilisés. En effet, la reconnaissance des activités de petit-déjeuner et de toilette est dépendante de deux capteurs ou plus, alors que l’activité d’habillage n’est liée qu’à un seul capteur de contact posé sur la porte du dressing ou de l’armoire.
Les déviations d’activité peuvent alors être interprétées comme des signaux d’alerte de dégradation fonctionnelle de la personne, qui peuvent être notifiés à la personne assistée ou envoyés à l’aidant.
Évaluation expérimentale de DomAssist
Pour mesurer la valeur ajoutée de la technologie DomAssist, une méthodologie d’évaluation a été mise en place auprès de quarante-huit participants âgés de plus de quatre-vingts ans et globalement cognitivement préservés, c’est-à-dire avec un score à l’évaluation MMSE supérieur à 24. Afin d’obtenir des résultats généralisables au plus grand nombre et d’asseoir l’accessibilité du système DomAssist, les quarante-huit personnes ont été sélectionnées selon les critères suivants : lieu de résidence sur trois secteurs girondins (urbain, semi-urbain et rural) et un niveau léger à modéré de perte d’autonomie (score GIR entre 6 et 4). Pour l’essentiel, la méthodologie adoptée compare sur une période de neuf mois vingt-quatre personnes utilisant la technologie à vingt-quatre autres en « situation courante » (qui n’utilisent pas DomAssist). Des règles d’éthique ont été définies, en particulier concernant les données personnelles.
Le projet a été approuvé par le Comité de protection des personnes d’Aquitaine et par le comité d’éthique d’Inria (COERLE). le dispositif DomAssist a également fait l’objet d’une déclaration à la Cnil.
À ce titre, les objectifs de recherche et le traitement des données sont présentés à chaque participant afin de recueillir son consentement éclairé (par un formulaire de consentement éclairé).
Précisément, les données collectées (données d’utilisation de la tablette mobile « lien social », données issues de la tablette stationnaire et des capteurs) sont transférées sur un serveur spécifique via Internet depuis le domicile du bénéficiaire. Ces données sont codées afin de les anonymiser et d’assurer leur confidentialité.
Par ailleurs, DomAssist dans sa conception prévoit le contrôle par l’utilisateur des notifications envoyées par la tablette principale à l’aide d’un bouton « pause » pour une période choisie par l’utilisateur. Cette fonction permet à l’utilisateur de ne pas être exposé à une possible situation d’assistance qu’il pourrait juger comme stigmatisante pour les personnes qu’il accueille à son domicile.
Les critères de réussite du projet sont les gains apportés par DomAssist à six et neuf mois d’utilisation, en termes de bien-être et de santé (psychologique, nutritionnelle, hygiène de sommeil, etc.), ainsi que de fonctionnement quotidien (autonomie domiciliaire, activités sociales, sentiment de sécurité). De plus, des mesures évaluant l’acceptabilité et l’utilisabilité de la technologie sont également récoltées durant l’étude. Les données recueillies sont issues de mesures subjectives, qui quantifient le ressenti des personnes face à la technologie au travers d’entretiens et de questionnaires, mais aussi de mesures objectives sur les utilisations et les interactions effectives avec la technologie.
Cette étude a pris fin en décembre 2015. Elle a déjà donné lieu à des résultats démontrant l’utilité, l’utilisabilité et l’acceptabilité de DomAssist ainsi que les bénéfices en termes d’autonomie domiciliaire et de santé. Les données de quinze participants équipés depuis plus de six mois ont déjà fait l’objet d’une analyse complète. Ces participants, douze femmes et trois hommes, veufs en majorité, ont en moyenne quatre-vingt-un ans, un score de 28 au MMSE et un score GIR allant de 6 à 4.
Utilisabilité et acceptabilité de la plate-forme
Les données concernant l’acceptabilité et l’utilisabilité de la technologie sont collectées périodiquement au cours de l’expérimentation. De là, nous avons pu étayer qu’un système d’assistance basé sur des interactions simples multimodales (c’est-à-dire visuelles et auditives), rendant l’apprentissage facilité pour les personnes âgées, était bien compris et rapidement appris.
Nous avons construit un système de notification d’assistance dispensé par la tablette stationnaire. En situation habituelle, cette tablette sert le lien social via ses fonctions de cadre numérique partagé avec la famille. En cas de détection d’une situation anormale ou non désirée (selon les déclarations de l’utilisateur), des notifications d’assistance lui sont délivrées. Ces notifications reposent sur une distinction simple entre « événement critique » et « événement non critique » quel que soit le domaine de besoins (activités quotidiennes, lien social, sécurité). La criticité de l’événement est déterminée selon la conséquence de la situation ou de la défaillance de l’utilisateur. Une alerte critique est associée à une sonnerie continue qui ne peut être ignorée (de nature aigüe et de volume élevé), à un cadre d’affichage spécifique (carré et orange) et à un maintien continu du message d’assistance jusqu’à ce que l’utilisateur interagisse avec le système et réagisse face à cette situation critique. À l’inverse, les notifications non critiques sont associées à une sonnerie brève et discrète, à un cadre d’affichage spécifique très différent (rond et vert) et à un maintien temporaire du message (quelques minutes, selon les préférences de l’utilisateur). Le contenu de ce message pourra être consulté librement par un clic sur le bouton d’alerte situé en haut à droite du cadre numérique, qui active la liste des notifications et leur contenu.
Ce système de notification est testé par des scénarios d’usage dans les trois domaines (activités quotidiennes, lien social et sécurité) induisant des notifications critiques et non-critiques, et ceci tous les mois et demi sur six mois.
La performance de la personne âgée est cotée en termes d’efficacité (exécution du comportement attendu et réussite de l’échange avec le système allant de 0 à 3) et d’efficience (rapidité d’exécution du comportement attendu chronométrée en secondes). Les résultats de cette étude révèlent qu’en début d’utilisation du système, les utilisateurs âgés ont des comportements moins efficaces et plus lents pour les notifications critiques comparées aux notifications non-critiques. Ces résultats peuvent être expliqués par le fait qu’une notification critique (par exemple, la porte est ouverte sans surveillance) nécessite de réaliser une action (ici, aller fermer la porte), alors qu’une notification non critique (par exemple, le rappel d’un rendez-vous) affiche uniquement une information qui ne nécessite pas une action. Cependant, on peut observer que l’efficacité devient maximale à partir de quatre mois et demi, quelle que soit la criticité du message. Ainsi, les participants utilisent les services efficacement dès le début, jusqu’à atteindre une utilisation experte (réponse quasi–automatique et sans erreur) à quatre mois et demi, quel que soit le type de notification. Notons que la différence d’efficacité de départ (selon la criticité de la notification) atteste de la bonne distinction par l’utilisateur des notifications critiques et non critiques.
Par ailleurs, tous les mois et demi, un questionnaire évaluant l’expérience utilisateur globale et dimensionnelle (ergonomie, plaisir d’utilisation, attrait, sécurité et valorisation sociale) était renseigné par les participants. Les résultats ont montré que l’acceptabilité globale de DomAssist, la qualité ergonomique et le sentiment de sécurité sont d’entrée positifs et augmentent au cours du temps pour la plupart des participants. En effet, 93,3 % ont jugé de manière positive la qualité ergonomique de la solution et ont aussi perçu les services comme utiles, plaisants, attrayants, non stigmatisants socialement (voire valorisants) et renforçant leur sentiment de sécurité (100 %).
Nous avons étudié les liens entre les mesures d’acceptabilité du système et certaines caractéristiques physiques et cognitives des utilisateurs âgés, à l’aide d’outils cliniques standard (échelles évaluant le fonctionnement cognitif, échelle évaluant les capacités physiques comme par exemple la mobilité ou les capacités perceptives). Nos résultats ont montré une relation entre l’acceptabilité du système, le déclin cognitif et les capacités physiques des personnes : une plus grande acceptabilité est observée quand les utilisateurs ont un déclin cognitif et des capacités physiques moyennes, validant ainsi le système pour les personnes âgées avec déclin cognitif.
Efficacité de la plate-forme
L’analyse des premières données (collectées pour les quinze participants cités plus haut) est très prometteuse en ce qui concerne l’efficacité. Elle conforte l’idée que DomAssist est efficace pour soutenir l’autonomie domiciliaire et améliorer le bien-être à domicile des personnes âgées. Aussi, comparés au groupe de contrôle non équipé de la solution, les participants équipés perçoivent comme significativement augmentées leur autonomie quotidienne, leurs capacités à s’adapter et à contrôler leur environnement.
À titre d’illustration, nous nous sommes intéressés au sentiment d’autodétermination des participants, c’est-à-dire à la perception qu’a un individu de sa capacité à faire des choix et prendre des décisions dans sa vie en conformité avec ses propres aspirations. Peu exploré dans le domaine des gérontechnologies, ce sentiment est bien connu en psychologie du vieillissement et renvoie à une théorie portant sur les processus motivationnels d’un individu à se déterminer librement : plus ce sentiment est élevé chez la personne âgée plus sa santé et son bien-être sont de qualité.
Ce sentiment est renforcé chez la personne lorsqu’elle réussit à mener des actions autodéterminées, c’est-à-dire des actions servant aux quatre dimensions de l’autodétermination :
- l’autonomie comportementale (la personne mène des activités choisies selon ses préférences, intérêts et capacités) ;
- l’autoréalisation (la personne connaît ses forces et ses faiblesses et agit en conséquence) ;
- l’autorégulation (la personne choisit ses propres ajustements ou moyens de compensation pour faire face aux évènements de vie, afin de conserver sa capacité à anticiper l’avenir) ;
- la capacitation psychologique (la personne est confiante en son pouvoir d’agir et de contrôler son environnement).
Si la solution DomAssist est efficace à soutenir l’autonomie de la personne et respecte ses stratégies pour faire face aux difficultés de son quotidien, alors le sentiment d’autodétermination dans ses quatre dimensions, comme témoin de l’amélioration de sa santé et de son bien-être, devrait progresser avec l’utilisation de DomAssist.
Nous avons évalué à l’aide d’une échelle spécifique l’évolution à six mois des quatre dimensions d’autodétermination de nos participants équipés comparés aux participants du groupe de contrôle (non équipés de DomAssist). Les résultats sont unanimes : les participants équipés présentent tous des améliorations sur les quatre dimensions de l’autodétermination, en particulier pour l’autonomie comportementale, l’autorégulation, et la capacitation psychologique. En d’autres termes, les personnes âgées bénéficiant de DomAssist présentent une autodétermination augmentée grâce au soutien de leur autonomie dans les activités quotidiennes, au respect de leurs stratégies d’adaptation à la vie domiciliaire et au renforcement de leur sentiment de contrôle sur leur environnement.
Conclusion
Les premiers résultats montrent globalement la bonne acceptabilité de DomAssist chez les participants, l’efficacité des participants à utiliser la technologie installée à leur domicile, ainsi que la facilité d’apprentissage de l’interaction avec la tablette et les services qui lui sont associés. Et plus important encore, les résultats révèlent que les bénéficiaires de DomAssist voient leur autodétermination augmentée, signe de l’amélioration de leur autonomie et de leur bien-être au domicile. Ces premiers résultats sont particulièrement prometteurs et encourageants. Ils suggèrent qu’une adoption à long terme de DomAssist par les personnes équipées est possible.
Ces résultats devront être confirmés par l’analyse des mêmes indicateurs présentés ici recueillis non plus à six mois mais à neuf mois d’utilisation consécutive de DomAssist. Cette confirmation semble être en bonne voie puisque certains bénéficiaires de DomAssist, après plus de neuf mois d’utilisation, ont exprimé unanimement, avec leurs aidants, leur désir de conserver DomAssist à l’issue de l’étude.
Le succès de DomAssist crée une forte dynamique chez les chercheurs et les partenaires du projet pour passer à l’étape supérieure en réalisant un déploiement de grande taille de la plate-forme DomAssist. Les objectifs d’un tel déploiement sont multiples. D’un point de vue informatique, il permet d’éprouver la technologie et de définir des outils capables de gérer un grand nombre d’utilisateurs. D’un point de vue psychologie du vieillissement, il ouvre une nouvelle voie permettant une étude à grande échelle, à l’instar des études de santé, sur une vaste population de personnes âgées sans critères de sélection préalables. Cette étude visera à démontrer de manière plus robuste statistiquement l’efficacité de la solution DomAssist.
Un nouveau projet, baptisé DomAssist500, concernera mille personnes âgées vivant en Aquitaine, dont cinq cents seront équipées de la solution DomAssist. Ce projet ambitieux soutenu et financé par l’Europe (fonds FEDER), sera mené en partenariat avec l’Institut de santé publique d’épidémiologie et de développement (ISPED).
Par cette étude d’envergure, l’équipe de recherche souhaite promouvoir un cadre scientifique pour l’évaluation des technologies d’assistance à la personne intégrant d’une part l’utilisabilité et l’acceptabilité des assistances (domaine des interactions Homme-machine et de l’ergonomie) et d’autre part les bénéfices thérapeutiques (domaine de la santé). Une telle approche permettra d’étayer les allégations de santé associées à ces technologies pour apporter des garanties à leurs utilisateurs et futurs prescripteurs.
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Charles Consel
Professeur à l'ENSEIRB-MATMECA, Institut Polytechnique de Bordeaux, responsable de l'équipe Inria PHOENIX.
Hélène Sauzéon
Professeur à l'Université de Bordeaux, membre de l'équipe Inria PHOENIX.