Modélisation numérique de la guitare acoustique
La première étape consiste à élaborer un modèle physique qui décrit les phénomènes vibratoires et acoustiques mis en jeu, depuis le pincer de corde jusqu’au rayonnement 3D du son. Ce type de modèle contribue à une meilleure compréhension de la physique de l’instrument, et peut être un outil d’aide à la facture instrumentale et à la prise de son.
La seconde étape consiste à résoudre ce modèle, traduit par un système d’équations aux dérivées partielles, en construisant une méthode numérique originale, efficace et fiable dans le domaine temporel.
Enfin, un nombre important de simulations numériques, et en particulier l’écoute de sons de synthèse produits, montrent la validité de la méthode.
Ce film illustre le contenu d’une thèse, qui s’est déroulée au sein du projet ONDES de l’INRIA. Elle a été soutenue le 4 juin 2002 à l’École polytechnique par Grégoire Derveaux.
Un prix pour une guitare virtuelle
« Modélisation numérique de la guitare acoustique » a reçu le Prix Université Henri Poincaré, catégorie « Investigation, publication et enseignement » au 8e festival du film de chercheur (Nancy, 27 mai – 6 juin 2003).
Entretien avec Patrick Joly, par Françoise Breton.
Françoise Breton : Quel était l’objectif de la recherche mise en scène dans le film ?
Patrick Joly : Il s’agissait de modéliser la guitare acoustique pour réaliser des simulations sonores qui dépendent des caractéristiques physiques de la guitare et non, comme c’est le cas de l’approche traditionnelle des acousticiens, de faire de la synthèse sonore à partir de l’analyse fréquentielle des sons. Le principal avantage de la modélisation est que l’on peut expérimenter toutes sortes de variations, par exemple pour savoir quelle serait la sonorité d’une guitare fabriquée avec d’autres matériaux.
Le problème à résoudre est, lui, particulièrement ardu et nous l’avons étudié en collaboration avec Antoine Chaigne, chef du laboratoire de mécanique de l’Ensta (École nationale supérieure de technologie avancée). Nous sommes partis des modèles mécaniques de la guitare et nous avons élaboré les équations calculant son champ acoustique en essayant d’aboutir à des résultats pertinents du point de vue musical. Cela correspond au calcul de 40 000 valeurs tous les cinquantièmes de millionième de seconde !
Françoise Breton : Quelle est l’originalité de ce modèle ?
Patrick Joly : C’est un modèle forcément complexe car il combine des phénomènes de même nature (vibratoire) mais différents dans leur manifestation : la déformation de la corde (monodimensionnel), de la table (bidimensionnel) et les champs de pression de l’air autour de la caisse de la guitare (tridimensionnel). Il nous a permis d’intégrer, dans un même problème, des méthodologies développées séparément par ailleurs : méthodes d’éléments finis mixtes, techniques aux conditions limites absorbantes et technique de domaine fictif qui permet de traiter des géométries compliquées en faisant communiquer le maillage de la guitare et celui de l’air ambiant. C’est le couplage entre ces méthodes qui est nouveau. Nous avons également développé une méthode spectrale sur la table d’harmonie qui calcule en temps continu pour la guitare et en temps discret pour le reste ; cela permet de réduire le coût du calcul.
Les implications de ce travail débordent largement le cadre musical. Par exemple, nous reprenons ces méthodes pour étudier la propagation d’ondes dans les os dans le cadre d’une collaboration avec Paris 6 sur le diagnostic de l’ostéoporose. Mais elles s’appliquent tout autant à la prospection géologique ou au contrôle des centrales nucléaires !
Françoise Breton : Pourquoi faire un film sur ce travail ?
Patrick Joly : Pour se représenter les phénomènes de propagation d’ondes, il n’y a rien de tel que l’animation de résultats numériques. De surcroît, en acoustique musicale on peut sonoriser les résultats. Grâce au travail de modélisation et d’animation 3D réalisé par l’équipe multimédia de l’INRIA, ce film permet d’illustrer les résultats de notre travail bien mieux que les formules mathématiques.
Cet entretien est paru dans le no 41 d’INédit , la lettre d’information de l’INRIA.
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Arghyro Paouri
Antoine Chaigne
Responsable de l'unité d'enseignement et de recherche en mécanique ENSTA-UME.