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    Odile Macchi, au bonheur des maths

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    Odile Macchi est une femme de caractère, une mathématicienne renommée en traitement du signal qui a su s’imposer dans un monde masculin et animer cette communauté avec efficacité. Ses secrets : de l’énergie à revendre, un élan inaltérable, une rigueur morale en tout état de cause. Une matheuse heureuse, finalement.

    Brosser le parcours scientifique de cette matheuse hors norme, c’est plonger dans son intimité, dans son éducation morale et scientifique, dans les trop courtes années partagées avec son mari, César Macchi, disparu prématurément, dans ses rencontres avec ses maîtres, les pères de l’école française du traitement du signal, André Blanc-Lapierre et Bernard Picinbono.

    André Blanc-Lapierre (1915 – 2001) est considéré comme le fondateur de l’école française de traitement du signal. Physicien, il soutient deux thèses, la première en physique, la seconde l’année suivante, en mathématiques, sur des notions de probabilités et de fonctions aléatoires auxquelles il avait eu à faire appel pour sa thèse en physique. Ces travaux sont le point de départ de nombreuses recherches et publications et du livre remarquable, Théorie des fonctions aléatoires, écrit en collaboration avec Robert Fortet, probabiliste, et publié en 1952. Nommé professeur de physique théorique à la faculté des sciences d’Alger, c’est à cette époque qu’il travaille dans le domaine de la théorie du signal, de l’optique statistique et de l’électronique.

    Il prend ensuite la direction du laboratoire de l’accélérateur linéaire d’Orsay en 1961 puis, en 1968, la direction de l’École supérieure d’électricité (Supélec) qu’il fait déménager à Gif-sur-Yvette et Rennes. Au moment de sa retraite, en 1983, il consacre beaucoup de temps à l’Académie des sciences où il a été élu en 1970. Il en est président en 1985 et 1986.

    Pour en savoir plus sur sa vie et son œuvre scientifique (fichier PDF à télécharger, 1,1 Mo).

    Bernard Picinbono est l’un des fondateurs de la discipline du traitement du signal en France, professeur émérite à l’université de Paris Sud et à Supélec. À l’origine physicien, ses travaux en optique, électronique, traitement du signal et automatique ont été marquants grâce à une approche statistique originale.

    Membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies, il a été président de l’université de Paris Sud de 1970 à 1975, directeur du L2S (Laboratoire des signaux et systèmes), unité mixte (CNRS—Supélec—Université de Paris Sud) qu’il a fondée en 1972 et dirigée jusqu’en 1986, puis directeur général de Supélec de 1990 à 1995.

    Odile Macchi lors de la remise de l’insigne d’Officier dans l’Ordre national du Mérite en 2008.

    Académicienne depuis 2004, directrice de recherche émérite au Laboratoire des signaux et systèmes (unité mixte de recherche CNRS, université Paris-Sud et École Supérieure d’Électricité de Gif sur Yvette), Odile Macchi a l’assurance et le rayonnement des gens convaincus, qui croient en ce qu’ils font. L’œil pétillant, elle affirme avec simplicité : « la science m’a procuré de la joie, la joie de découvrir, la joie d’entraîner des disciples, la joie d’agir et de créer des choses utiles à la société ». Elle revendique haut et fort ce bonheur mérité. Elle avait 35 ans et 4 enfants lorsque son mari, complice dans la vie et dans le travail, a été emporté par un cancer. Pour surmonter cette épreuve, elle reconnait s’être lancée avec encore plus de passion dans la recherche. Pourtant, au départ, douée, curieuse de tout et brillante en maths, elle a opté pour les sciences, avec conviction comme tout ce qu’elle fait… mais comme elle aurait pu opter pour les lettres. Non sans états d’âme d’ailleurs. « Quand en Maths Elem, au dernier cours de grec, la professeure me dit : Alors, Odile, perdue pour les lettres ? J’ai fondu en larmes » raconte-t-elle. Après coup, elle ne regrette rien, persuadée que le bonheur est dans la chose bien faite, quelle qu’elle soit.

    Heureuse association des mathématiques et de la physique

    Reçue à l’Ecole Normale Supérieure de Sèvres, elle est agrégée de mathématiques en 1966, à 22 ans, après une double licence de mathématiques et de physique. Elle décide de faire de la recherche. Sa formation mixte, rare à l’époque, lui ouvre les portes de l’Institut d’électronique fondamentale de l’université Paris 11 à Orsay, où elle entre en 1967, auprès de Bernard Picinbono, physicien, lui-même formé auprès du père français du traitement du signal, André Blanc-Lapierre, professeur à l’université d’Alger. « D’un esprit très ouvert, André Blanc-Lapierre a su faire la synthèse de la physique et des mathématiques, résume Odile Macchi. Il observait les signaux physiques fluctuants et parvenait à les modéliser avec des probabilités. »

    Bernard Picinbono propose à sa jeune thésarde d’étudier les fluctuations des signaux sur la détection des photons, en modélisant ce processus aléatoire de points. Il a l’intuition d’utiliser une mesure physique, la coïncidence entre plusieurs photons détectés. Odile Macchi fera une modélisation probabiliste complète de ce processus de multicoïncidence. Une chose est sûre, elle a trouvé sa discipline : le traitement du signal, qui associe la physique, au travers d’une variété de signaux à étudier (mesures, traces, sons, images…), et les mathématiques, plus précisément les méthodes statistiques et probabilistes utilisées pour modéliser ces signaux.

    Le choix des mathématiques appliquées…

    En 1972, à la fin de sa thèse, lorsque Bernard Picinbono crée le Laboratoire des signaux et systèmes (L2S), elle le suit et choisit, sans quitter la discipline du signal, d’orienter ses recherches vers les télécommunications sous l’influence de son mari, César Macchi, polytechnicien, ingénieur des télécommunications et professeur d’université. Au L2S, elle fonde une équipe sur la théorie des communications. « Je suis passée aux maths impures », ironise-t-elle, clin d’œil à la dénomination française des mathématiques appliquées opposées aux « maths pures ». C’est encore sous l’influence de son mari qu’elle choisit la voie émergente du numérique. « Nous avons travaillé 7 années ensemble, jusqu’à sa mort, raconte-t-elle. Il fut l’un des premiers artisans de cette révolution. Très tôt, il comprit l’incroyable potentiel de la représentation numérique des signaux et la fécondité du mariage des télécoms et de l’informatique », deux mondes désormais impossibles à distinguer à l’heure d’internet. César Macchi fut à l’origine de l’enseignement sur les réseaux d’ordinateurs à l’université Pierre et Marie Curie et dirigea un ouvrage collectif sur la « téléinformatique » qui eut beaucoup de succès. De fait, dans ces années-là, outre l’informatique, de puissants systèmes de stockage de l’information numérique étaient découverts grâce à la magnétorésistance géante, de nouveaux systèmes de transport de l’information numérique comme le RNIS étaient installés, ainsi que de nouvelles artères numériques de télécommunications.

    Les principes des réseaux d’ordinateurs ont été tirés de l’expérience Arpanet, premier réseau d’ordinateurs partagés, créé en 1967, puis du réseau français Cyclades conçu par des personnalités comme Louis Pouzin de CII et Hubert Zimmermann de l’Iria (devenu Inria). En 1975, le réseau Cyclades connectait 25 ordinateurs de centres de recherches français.

    Pour en savoir plus sur l’histoire des réseaux.

    L’ouvrage Téléinformatique : transport et traitement de l’information dans les réseaux et systèmes téléinformatiques, paru chez Dunod en 1979 une semaine avant la mort de César Macchi, a été réédité plusieurs fois jusqu’en 1990. Il a été traduit en anglais, italien, espagnol et vendu en français à plus de 30 000 exemplaires.

    Dirigé par César Macchi et Jean-François Guilbert, il rassemble les contributions de 12 auteurs, dont Odile Macchi qui a rédigé la partie concernant la transmission de données (couche 1 et 2 dans la normalisation ISO). Elle y aborde l’optimisation des systèmes de transmission de données, autrement dit les modems.

    La magnétorésistance géante (ou GMR en anglais) a été découverte en 1988 par deux équipes indépendantes : celle du français Albert Fert de l’université Paris Sud Orsay et celle de l’allemand Peter Grünberg du centre de recherche de Jülich (Allemagne). Ils ont reçu conjointement le prix Nobel de physique en 2007 pour cette découverte.

    La magnétorésistance géante est observée dans les structures de films minces composées d’une alternance de couches magnétiques et non magnétiques. Elle se manifeste sous forme d’une baisse significative de la résistance observée sous l’application d’un champ magnétique externe. Mise en évidence par les deux chercheurs dans des couches monocristallines, elle a été observée dès 1989 par une équipe de recherche d’IBM sur des couches polycristallines. Dès 1997, IBM commercialisait des têtes de lecture de disques durs d’ordinateurs exploitant ce phénomène. Le dispositif étant plus sensible, on peut détecter des champs magnétiques plus petits, donc augmenter la densité d’information stockée dans le disque. Depuis l’arrivée de ces disques, la densité de stockage des têtes GMR s’est accrue d’un facteur supérieur à 100. Autre application : les mémoires magnétiques non volatiles (MRAM).

    Un Réseau numérique à intégration de services (RNIS) est une liaison numérique conçue pour transporter la voix, les données, la vidéo et toute autre application ou service. Il autorise une meilleure qualité et des vitesses pouvant atteindre 2 Mbit/s contre 56 kbit/s pour un modem classique. L’extension de la technologie numérique à la boucle locale a été étudiée dès les années 70, et les protocoles ont été définis à partir de 1984. Le RNIS a été ouvert dans les Côtes d’Armor en 1987. Inauguré à Paris, un an plus tard, il prend le nom de Numéris.

    … Au traitement du signal

    « Aujourd’hui, les sciences du numérique sont en général associées exclusivement à l’informatique, regrette-t-elle, occultant le traitement du signal, discipline pourtant apparue une décennie plus tôt, néanmoins peu identifiée alors qu’elle diffuse dans un nombre considérable d’applications sociétales majeures », à commencer par l’exploitation des signaux biologiques pour la santé. Sans oublier le traitement des images, qui est le jumeau du traitement du signal, et qui a tant d’incidence dans l’analyse des images de scanners, des échographies ou des IRM. C’est aussi le traitement du signal et des images qui a ouvert la voie au codage MPEG pour la vidéo et la télévision numériques et plus tard au codage MP3 pour le son. Les radars, la sismique, les images satellitaires, la vision par ordinateur… sont autant d’exemples de domaines qui ont bénéficié du traitement du signal et des images.

    En analysant une centaine de signaux électro ou magnétoencéphalographiques par des méthodes de traitement de signal élaborées dites inverses, on peut localiser de façon non invasive les zones atteintes chez un patient épileptique.
    Ici, les régions responsables de l’activité épileptique chez un patient apparaissent en rouge/orange et sont isolées à la milliseconde près grâce à l’imagerie électromagnétique des courants cérébraux. Ces derniers créent des champs faibles mais mesurables à l’extérieur de la tête grâce à un réseau de capteurs (ici 306, en blanc sur l’image).
    Source : Sylvain Baillet, Medical College of Wisconsin, Milwaukee, USA & Line Garnero, COGIMAGE – Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moëlle, Paris.

    De l’invention des modems…

    Le Minitel, un exemple de modem.
    © Photo : Michel Reynaud / France Télécom

    Pour Odile Macchi, les télécommunications restent néanmoins le premier grand champ d’applications. « À l’époque, la recherche sur les télécommunications était réservée au CNET (Centre national d’étude des télécommunications) sous l’égide du ministère des PTT », rappelle-t-elle. En montant une des toutes premières équipes universitaires sur la théorie des communications, elle faisait figure de pionnière. D’autres équipes ont été créées ensuite. « Le champ de travail était vaste et passionnant, c’était exaltant : nous avons participé au développement de modems (contraction des termes modulateur-démodulateur) », résume-t-elle. Ces systèmes permettent de transmettre des données numériques entre utilisateurs distants au moyen d’une simple ligne téléphonique, c’est-à-dire une paire de fils de cuivre. Les fax (ainsi qu’en France, le Minitel) ne sont rien d’autre que des modems.

    Les premiers modems ont été utilisés à la fin des années 50, aux Etats-Unis et au Canada, dans le système de défense aérien SAGE pour connecter des terminaux de bases aériennes, des sites de radars et des centres de commande et de contrôle à des centraux. SAGE utilisait un système de lignes dédiées mais les équipements à leurs extrémités étaient similaires aux modems modernes. Quelques années plus tard, sur le même principe, c’est un système automatique de billetterie d’American Airlines, relié à un central, qui voyait le jour pour gérer les disponibilités et le calendrier. Les modems se sont ensuite multipliés, en particulier en France avec l’usage du Minitel.

    Lorsqu’il émet, le modem convertit les données numériques en un signal analogique (c’est l’étape de modulation). À la réception, il transforme le signal analogique en données numériques (c’est l’étape de démodulation). « Nous avons conçu des algorithmes pour formater ce signal numérique comme un signal analogique propre à la transmission sur la ligne, et nous avons participé au développement de modems associés avec certaines sociétés de télécommunication, explique Odile Macchi. Évidemment il est facile de passer beaucoup de bits/seconde dans une bande de fréquence très large. Ce qui est difficile c’est d’atteindre des taux de plusieurs bits/seconde/hertz, par exemple 10. » Dans les années 70-80, la ligne téléphonique était considérée comme un support à bande étroite, la bande (0-4kHz) nécessaire pour transmettre la voix humaine sans distorsion notable. Les débits ont ainsi atteint 56 kbit/s sur des bandes de quelques kHz, un taux très élevé. Ces modems, brevetés et dont des licences ont été vendues à des industriels, sont toujours en usage, en particulier pour la transmission des fax.

    … Aux modems adaptatifs à bande étroite

    Les systèmes de communication procédaient aussi à un apprentissage, en envoyant des séquences auxiliaires préalables à la transmission des messages, pour s’adapter tant aux propriétés aléatoires du message, qu’au contexte inconnu de la transmission, aux brouillages et distorsions. L’apprentissage permet de corriger ces distorsions et de s’adapter automatiquement, par un traitement des signaux, à base de probabilités et de statistiques selon des modèles mathématiques élaborés.

    Les outils mathématiques utilisés sont des représentations temps/fréquence ou temps/échelle, les ondelettes, les fractales, les réseaux de neurones, les méthodes adaptatives, les modèles probabilistes de Markov…

    « Pour que les modems deviennent des périphériques grand public, il fallait que cette adaptation se fasse automatiquement, explique Odile Macchi, au moyen d’algorithmes d’optimisation en temps réel, dits adaptatifs. » Elle a poussé la théorie jusqu’à ses limites, avec un parti pris de simplicité. Elle a aussi conçu des algorithmes qui permettent un « apprentissage autodidacte » du modem, autrement dit, sans la séquence auxiliaire préalable. Ses algorithmes ont également permis d’améliorer l’adaptation des modems à un contexte évolutif. Ces développements ont été faits sous contrat avec des industriels avec leurs propres contraintes matérielles. Parmi les modems les plus courants qui ont bénéficié de ces travaux, citons le modem à 9600 bps, breveté en 1976 et commercialisé par CIT Alcatel.

    Au fil des années et des collaborations, Odile Macchi a mis ses théories en application avec succès dans de nombreux autres cas de figures comme l’annulation d’écho pour les modems de transmission bidirectionnelle simultanée (sinon le signal émis revient en écho, occultant le signal en retour) ou la réduction de débit pour la transmission de parole comprimée (en éliminant les redondances dans l’information à transmettre). Nombre de ces travaux ont été menés avec des sociétés industrielles de télécommunication comme CIT Alcatel ou SAT. Beaucoup ont été brevetés. « Dès 1975, j’ai commencé à protéger mes travaux, précise-t-elle, là encore sous l’influence de mon mari qui travaillait avec Thomson CSF (devenu Thales) et savait que tout se payait. Le CNRS, qui commençait à soutenir les actions de transfert, m’a aussi bien aidée », reconnait la chercheuse qui avait le plus gros portefeuille de brevets du CNRS dans les années 90.

    … Jusqu’aux modems actuels à large bande

    Par la suite, les modems à très haut débit conçus dans la seconde moitié des années 80 ont tiré parti de ces développements, entre autres pour l’ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line). La paire de cuivre a été considérée comme un support à large bande passante allant jusqu’au mégahertz, quoiqu’avec une forte atténuation. La bande (0-1Mhz) est alors découpée en 250 sous-bandes de 4 kilohertz. Dans chaque sous-bande, une fréquence « porteuse » porte des données numériques à quelques kbit/s selon les principes des modems à bande étroite qui corrigent les distorsions de la sous-bande. Les modems sont ainsi montés en débit, jusqu’à plusieurs Mbit/s transmis via une simple ligne téléphonique, permettant désormais d’échanger de gros volumes d’informations entre terminaux et ordinateur, de consulter des sites web de manière quasi instantanée ou de recevoir la télévision tout en téléphonant.

    L’ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line), dont le lancement commercial en France date de 1999, est une technique de communication qui permet d’utiliser une ligne téléphonique classique (ou une ligne RNIS) pour transmettre et recevoir des signaux numériques à des débits élevés, de manière indépendante du service téléphonique proprement dit. Pour échanger des données numériques, l’ADSL exploite la bande de fréquence au-delà des 4kHz nécessaires pour passer la voix, donc sans que voix et données interfèrent. Il suffit d’ajouter un équipement au central téléphonique ainsi qu’une petite installation chez l’utilisateur : un filtre ADSL placé entre la prise téléphonique et la fiche de connexion du téléphone, qui fait suivre le signal à un modem. D’abord développé pour recevoir la télévision par le réseau téléphonique classique, l’ADSL a rapidement conquis les internautes, leur permettant de surfer rapidement sur le net, sans occuper une ligne téléphonique.

    Animer la communauté du traitement du signal et de l’image

    Au-delà des télécommunications, Odile Macchi a toujours exercé des responsabilités dans la communauté du traitement du signal et de l’image, en particulier au sein du GRETSI (Groupement de recherche en traitement du signal et des images) auquel elle contribue depuis sa création, en 1967. Elle le préside depuis 2005 après en avoir dirigé la branche recherche pendant 20 ans. Cette société savante organise tous les deux ans un colloque francophone de haut niveau, lancé à l’initiative d’André Blanc-Lapierre. Pour les Français, il est plus important que son homologue européen dans sa discipline (EUSIPCO). « Il réunit toujours environ 450 congressistes et renforce les liens entre recherche universitaire et industrielle, affirme Odile Macchi. Je suis persuadée que c’est parce qu’il est francophone qu’il est pérenne : les chercheurs préfèrent échanger en français. Cela ne les empêche pas de publier en anglais ! »

    De fait, Odile Macchi défend résolument la langue française. Depuis 2006, elle milite pour que la revue Traitement du Signal, fondée par le GRETSI en 1984, perdure. « C’est difficile dans le contexte du foisonnement actuel des revues, de l’hégémonie de la langue anglaise et des restrictions de budget des bibliothèques » explique-telle. Elle reproche surtout aux instances d’évaluation de retirer leur soutien aux publications en langue française, sans considération de qualité. « Nous avons néanmoins réussi à faire référencer la revue sur la base de données ISI Web of Science, la plus importante base de données bibliométriques commerciale », se réjouit-elle. Ainsi, les articles qui y sont publiés entrent dans l’évaluation quantitative des enseignants-chercheurs.

    Fédérer chercheurs et industriels

    L’autre « bébé » du GRETSI est le Groupe de recherche (GDR) ISIS (Information, signal, images et vision), créé en 1988, avec le soutien du CNRS. Il fédère une communauté de plus de 2600 membres, chercheurs et industriels dont plus de 1000 doctorants. Odile Macchi a largement contribué à la fondation, à l’animation et au rayonnement de cette structure exemplaire de recherche, dont elle a entre autres choses dirigé le second mandat, de 1992 à 1995. « En 1989, pour sortir de la dichotomie française catastrophique entre recherche et industrie, nous avons créé une structure originale, le Club des partenaires » ajoute-t-elle. Elle permet aux industriels, sous un forfait de financement, de participer aux débats scientifiques, poser leurs problèmes méthodologiques, trouver les bonnes équipes de recherche. Le Club des partenaires compte actuellement 12 industriels dont Thales, l’Onera, EDF, Mitsubishi, France Telecom, EADS ou le CEA.

    Finalement, heureuse et matheuse

    Sans surprise, elle conseille aux jeunes scientifiques de se lancer dans la recherche : « Allez-y, clame-t-elle. C’est un travail passionnant. Vous gagnerez moins d’argent mais la sérénité d’esprit y est bien plus grande que dans l’industrie, la stabilité de l’emploi aussi – pour l’instant. Le travail y est de plus en plus collégial, sans un poids excessif de la hiérarchie. » Elle regrette néanmoins la compétition exacerbée, ici comme ailleurs et la tendance croissante au court terme, particulièrement dangereuse pour la recherche. Elle reconnaît aussi qu’être femme et faire des maths est une aventure, qu’il faut surmonter des difficultés supplémentaires. « J’y ai été confrontée très tôt, quand à 25 ans, je suis allée enseigner à l’université de Québec, se souvient-elle. J’ai vite compris que pour obtenir le respect de mes étudiants, tous des garçons, je devais les convaincre que j’étais beaucoup plus forte qu’eux, ce qui est tenu pour acquis d’emblée pour un professeur homme ! »

    Cette belle force de caractère et cette incroyable force de vie, Odile Macchi l’a mise au service de tout son entourage et même au-delà : « Avec l’association dont je fais partie, raconte-t-elle, nous allons soutenir des veuves chrétiennes dans des pays en développement, en Inde et surtout en Afrique. » Après le Burkina Faso, le Rwanda, le Cameroun, elle partait pour le Nord Kivu (République Démocratique du Congo), une région politiquement instable. Elle est assurément infatigable.

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    Isabelle Bellin

    Journaliste scientifique.
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