Les Newsletters Interstices
    Niveau intermédiaire
    Niveau 2 : Intermédiaire

    Olivier Joubert, champion des circuits

    Culture & Société
    Un fonceur. Olivier Joubert appartient à cette nouvelle génération de chercheurs qui a énormément contribué, depuis quinze ans, à l'essor scientifique et technologique de la région grenobloise. Si la micro-électronique est aujourd'hui une spécialité locale, internationalement reconnue, c'est un peu grâce à son dynamisme et à sa force de caractère.
    Olivier Joubert

    © CNRS Photothèque – Emmanuel Perrin

    Ingénieur de l’École de physique de Grenoble, il prépare à partir de 1986, une thèse au centre de recherche de France Télécom, le CNET, à Meylan dans la banlieue grenobloise. À l’époque, l’État investit massivement en microélectronique. « Il y avait des moyens très importants et d’excellents chercheurs. »
    Olivier Joubert s’y spécialise dans les procédés de gravure par plasma.

    Les composants électroniques, en effet, sont constitués d’un empilement de couches de divers matériaux, structurées par des étapes de lithographie et de gravure successives. La lithographie consiste à envoyer de la lumière sur certaines zones d’une résine photosensible pour réaliser des motifs, transférés ensuite dans les couches actives par gravure plasma.

    En 1993, fraîchement recruté au CNRS, Olivier Joubert poursuit ses recherches au centre T.J. Watson d’IBM, près de New York, « vraiment à la pointe de la pointe du domaine ». Là-bas, sont mis au point des procédés et sources plasma très innovants. Mais 1993 est une année noire pour la compagnie, qui réduit drastiquement ses effectifs. « Alors je suis allé chez les concurrents », les Bell Labs dans le New Jersey. Il travaille sur le développement d’une nouvelle résine déposée par plasma. « Une année extraordinaire, d’ouverture à des disciplines différentes », couronnée par le prestigieux « R&D 100 Award » qui récompense les cent innovations technologiques les plus importantes au niveau international.

    Une machine pour diagnostiquer les composants

    Nano-structures sur substrats de silicium

    Nanostructures sur substrats de silicium obtenues en enchaînant une étape de lithographie par nano-impression et une étape de gravure plasma dans le silicium.
    © CNRS Photothèque – Emmanuel Perrin

    Quand il revient en France, les choses ont changé au CNET. France Télécom se dirige vers une recherche plus appliquée. Il est l’un des deux seuls chercheurs du CNRS, avec Laurent Vallier, qui décident de rester à Meylan. À ce moment, la gravure plasma, du fait de la miniaturisation, est devenue de plus en plus délicate à maîtriser. Ils décident donc de mettre en chantier, grâce à l’aide du CNRS et du CNET, une machine truffée de dispositifs qui contrôlent très précisément les procédés de gravure en temps réel. Avec le souci constant que tout se passe dans les mêmes conditions que celles de l’industrie. « De cette façon, on a développé toute une expertise de caractérisation des procédés plasma, très intéressante pour les industriels. »

    1999 sonne la fin de la micro-électronique à France Télécom. De nombreux chercheurs se reconvertissent ou partent dans l’industrie. Le CNRS demande alors à Olivier Joubert de reconstruire, presque ab initio, une recherche amont dans le domaine des micro et nanotechnologies. Ce sera le laboratoire des technologies de la microélectronique (LTM). Son implantation au sein du laboratoire d’électronique de technologie de l’information (LETI) du CEA facilite les synergies avec un environnement technologique riche, mais lui donne aussi l’occasion de batailler fermement pour préserver l’autonomie des chercheurs CNRS, « indispensables facteurs d’innovations ».

    Nano-lithographie

    Nanolithographie : introduction d’un moule en silicium dans une presse utilisée pour la nano-impression.
    © CNRS Photothèque – Emmanuel Perrin

    Grâce à son opiniâtreté, aux moyens offerts par le LETI et à « un soutien fort de la direction du CNRS », le laboratoire est aujourd’hui une réalité, avec une solide réputation internationale.

    La nanoélectronique en vue

    Tous se sont attelés au défi principal de la microélectronique : miniaturiser en deçà du centième de micron, là où la physique quantique entre en scène et introduit des phénomènes nouveaux.

    Afin de réaliser des composants CMOS (Complementary Metal Oxide Semi-conductor – composants électroniques utilisés en général pour les mémoires des ordinateurs) de dimensions de plus en plus réduites, plusieurs équipements expérimentaux ont été mis en place. Ils allient la robustesse d’un outil industriel et le potentiel d’un outil de recherche. Pour la nanolithographie par nano-impression, deux technologies de nano-impression nouvelles sont étudiées sur des substrats de silicium de taille 200 mm. Les plates-formes de gravure plasma peuvent également traiter des substrats de taille 200 mm. Les procédés développés permettent d’élaborer des structures de dimensions inférieures à 10 nm dans des empilements de matériaux complexes avec un contrôle dimensionnel quasi parfait.

    Une autre piste consiste à développer des solutions alternatives à la technologie CMOS, pour réaliser des fonctionnalités mémoires ou interrupteurs à partir de nanomatériaux. Une partie des études vise à faire croître des nano-objets silicium dont le diamètre varie de 5 à 20 nm, pour les intégrer dans des dispositifs mémoires.

    Une tâche qui passe soit par l’amélioration significative des technologies existantes : « les industriels sont très conservateurs : ils préféreront toujours garder les mêmes procédés de fabrication ». Soit par une rupture complète, celle des nanotechnologies, « qui demande de repenser complètement, par exemple, la miniaturisation ou encore l’élaboration de nanomatériaux ». Intéressé, ST Microelectronics s’associe au laboratoire en 2005 pour développer des projets communs. « Avec les industriels, il est très important d’établir une relation de confiance, une fois qu’on a prouvé sa crédibilité scientifique et technique. Ce qui ne veut pas dire se laisser dicter sa stratégie scientifique. »

     

    Ce document est paru à l’origine dans une plaquette « Médailles d’Argent », promotion 2004, éditée par le CNRS (direction de la communication).

    Newsletter

    Le responsable de ce traitement est Inria. En saisissant votre adresse mail, vous consentez à recevoir chaque mois une sélection d'articles et à ce que vos données soient collectées et stockées comme décrit dans notre politique de confidentialité

    Niveau de lecture

    Aidez-nous à évaluer le niveau de lecture de ce document.

    Si vous souhaitez expliquer votre choix, vous pouvez ajouter un commentaire (Il ne sera pas publié).

    Votre choix a été pris en compte. Merci d'avoir estimé le niveau de ce document !

    Nicolas Constans

    Journaliste scientifique et technique.
    Voir le profil