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    Simulation de l’opération de la cataracte

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    L'opération de la cataracte est aujourd'hui extrêmement courante. En vue d'améliorer l'apprentissage par les chirurgiens ophtalmologistes en formation des gestes nécessaires à cette intervention, les chercheurs mettent au point un outil de simulation.
    Visionner la vidéo réalisée par Guy Vantomme © SEMM 2006 – Durée : 14 minutes.

     

    L’opération de la cataracte se déroule en plusieurs phases bien identifiées. La phase déterminante, appelée phacoémulsification, vise à détruire le cristallin par ultrasons, sans endommager sa capsule, afin de pouvoir ensuite y insérer un cristallin artificiel.

    Pour simuler cette étape, nous avons dû tout d’abord bien comprendre la procédure opératoire, en nous attachant à dégager les exigences qu’elle requiert.

    La phacoémulsification fait suite à la phase de capsulorhexis (découpe de la partie supérieure de la capsule) et d’hydrodissection (le cristallin, décollé de la capsule, peut s’y déplacer librement). La procédure opératoire se divise alors en quatre parties :

    • le sculpting (où deux sillons perpendiculaires sont creusés dans le cristallin pour le diviser en quartiers) ;
    • le cracking (où les quartiers sont séparés) ;
    • l’aspiration des quartiers ;
    • l’aspiration des masses.

    La principale complication pouvant survenir est la déchirure de la capsule antérieure, qui peut se produire si le chirurgien creuse trop profondément. Les ultrasons risquent alors de détruire la capsule.

    Modélisation et simulation

    Dans une simulation médicale, la principale difficulté est de trouver des modèles réalistes des tissus vivants. Nous avons été confrontés en particulier au problème de la modélisation du cristallin, de la capsule, ainsi que des zonules. Nous nous sommes orientés vers une simulation mécanique, dont la complexité de calcul est aujourd’hui bien surmontée par les ordinateurs pour réaliser une simulation temps réel.

    De quel degré de réalisme avons-nous besoin pour notre simulateur d’apprentissage ? Il est plus important que la simulation ressemble visuellement à la réalité plutôt qu’elle la reproduise fidèlement. Cela signifie qu’il vaut mieux reproduire les effets visuels constatés durant l’opération, et utiles à l’apprentissage, plutôt que de respecter la structure mécanique même des tissus. Cette simplification est aussi rendue nécessaire en raison de la puissance de calcul limitée, afin de respecter la contrainte temps réel.

    En partant de ce principe, nous avons déterminé les effets mécaniques à modéliser en priorité :

    • les déformations du cristallin, liées à sa dureté qui varie suivant les individus et leur âge ;
    • les effets du sculpting et du cracking sur le cristallin, qui nécessitent une connaissance sur la propagation des ultrasons dans les tissus.

    Modélisation de la découpe

    Le problème de la découpe des corps est un problème complexe de mécanique, auquel l’informatique graphique s’intéresse depuis peu. Les méthodes actuelles permettant de réaliser cet effet en temps réel sont la suppression ou la séparation d’éléments de l’objet.

    L’objet est au départ décomposé en éléments volumiques, par exemple un ensemble de tétraèdres. La découpe par suppression revient alors à supprimer des éléments de cette décomposition initiale, et la découpe par séparation à séparer des éléments de cette décomposition. Des critères ont été définis pour détecter puis déclencher la découpe suivant une trajectoire de coupe, en fonction de la méthode utilisée pour modéliser le cristallin.

    La suppression d’éléments est bien adaptée pour simuler le fait de creuser, nous l’utilisons donc pour le sculpting. La séparation des éléments est quant à elle mieux adaptée pour donner un effet de déchirure, elle est donc utilisée pour simuler le cracking.

    Modélisation du cristallin

    Trois types d’objets simulables sont susceptibles de répondre aux exigences de la découpe : les corps rigides, les modèles masses-ressorts et les modèles par éléments finis.

    Les objets modélisés comme des corps rigides sont représentés mécaniquement par un centre de masse et une matrice d’inertie. L’avantage indéniable des corps rigides sur les corps déformables est leur faible coût en temps de calcul : ce sont les objets mécaniques les plus simples et les plus rapides à simuler, ils sont ainsi le plus à même de respecter notre contrainte temps réel. Un autre avantage est que leur décomposition peut comporter un grand nombre d’éléments, sans augmenter les temps de calcul. En se servant de cette décomposition, on peut donc obtenir un effet de découpe très fine. Mais bien entendu, ce modèle atteint ses limites lorsqu’il faut tenir compte des déformations de l’objet, non prises en compte par ce modèle indéformable. Ceci est particulièrement sensible pour l’étape de cracking.

    Le modèle masses-ressorts est un ensemble de masses connectées par des ressorts. C’est l’un des premiers modèles déformables à avoir été utilisé en simulation, notamment pour la simulation de vêtements. Ce modèle est plus approprié que les corps rigides pour représenter les déformations que le cristallin subit, et en particulier pour reproduire l’effet de cracking. Mais il présente l’inconvénient que sa décomposition ne peut pas comporter un trop grand nombre d’éléments, sous peine d’augmenter les temps de calcul. Un autre inconvénient notable est que les paramètres mécaniques sont difficilement identifiables. Les ressorts connectés entre les masses possèdent une raideur et un amortissement difficilement quantifiables par rapport aux propriétés mécaniques de déformation au niveau global du cristallin. De plus, les temps de calcul augmentent lorsqu’on augmente la raideur des ressorts, ce qui empêche de simuler des matériaux assez rigides.

    Enfin, la méthode des éléments finis se base sur une décomposition de l’objet en éléments sur lesquels on applique la théorie de l’élasticité linéaire. Elle donne une base rigoureuse pour appréhender la modélisation des corps déformables. Même si elle ne peut traduire que des comportements linéaires, la gamme des matériaux qu’elle permet de simuler est plus vaste que celle des modèles masses-ressorts. En particulier, des matériaux quasi-rigides et incompressibles peuvent être simulés. Les paramètres peuvent être réglés de manière locale, la structure hybride du cristallin peut donc être représentée sans difficulté. Ce modèle, plus facilement paramétrable que le modèle masses-ressorts, peut reproduire de façon similaire les effets de sculpting et de cracking. C’est donc une telle méthode que nous avons choisi de privilégier ici pour modéliser le cristallin.

    La phase de phacoémulsification est en cours d’intégration dans notre simulateur d’apprentissage. Il restera ensuite à simuler la pose de l’implant. De façon similaire à la chirurgie hépatique par laparoscopie, l’utilisation de ce simulateur pourrait accélérer et améliorer l’apprentissage du geste chirurgical pour l’opération de la cataracte.

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    Frédéric Blondel

    Ingénieur en informatique, il a réalisé ces travaux comme ingénieur-expert dans l'équipe ALCOVE.
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    Guy Vantomme

    Responsable du CPAV e-média[s] (Centre de production audiovisuel et formation multimédia) de l'USTL (Université de Lille 1).
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