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Les Nouveaux Héros (Big Hero 6) © Disney
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    Niveau 1 : Facile

    50 nuances de robots mous !

    Robotique
    Médecine & Sciences du vivant
    Le dernier film d'animation des studios Disney, Les Nouveaux Héros, met en scène un petit génie de la robotique, Hiro Hamada, assisté de son fidèle compagnon, Baymax, un robot mou conçu pour s'occuper des humains. Baymax est-il une fiction tout droit sortie de l'imagination débordante des scénaristes, ou bien ce personnage trouve-t-il son inspiration dans le monde de la recherche ? Profitons de ce film pour faire le point sur les technologies émergentes dans le domaine de la robotique et partir à la découverte de ces robots mous.

    Cet article est une co-publication avec le blog Binaire, un blog d’informaticien(ne)s de la Société Informatique de France.

    Dans son dernier long métrage, le film d’animation Les Nouveaux Héros (Big Hero 6) réalisé par Don Hall et Chris Williams, Disney nous invite à nous plonger dans San Fransokyo, ville futuriste inspirée des deux rivages du Pacifique, et capitale de la robotique. Dans cette ville, les habitants ont une passion frénétique pour les robots, et plus particulièrement pour les combats de robots. Les acteurs économiques sont prêts à lancer des intrigues pour récupérer les dernières inventions. Hiro, un petit génie exclu des parcours scolaires, s’amuse à construire des robots de combat avec son frère, tout en réalisant des recherches dans un laboratoire sur Baymax, un robot infirmier qui sera le héros de ce film. Or la particularité de Baymax… c’est qu’il est mou ! Une sorte de bonhomme Michelin gonflable, programmé pour prévenir les problèmes de santé des humains qui l’entourent. Disney rejoint là des technologies très innovantes en train d’émerger en robotique, ces fameux robots mous (ou « soft robots » en anglais).

    Je fais partie de cette nouvelle communauté de chercheurs qui s’intéresse à ces robots qui ne sont plus conçus à partir de squelettes rigides articulés et actionnés par des actionneurs placés au niveau des articulations comme nous les connaissons traditionnellement. Au contraire, ces robots sont constitués de matière « molle » : silicone, caoutchouc ou autre matériau souple, et ont donc, naturellement, la possibilité d’adapter leur forme et leur flexibilité à la tâche, à des environnements fragiles et tortueux, et d’interagir en toute sécurité avec l’homme. Ces robots ont typiquement une souplesse semblable aux matières organiques et leur design est souvent inspiré de la nature (trompe d’éléphant, poulpe, ver de terre, limace, etc.). Pour fabriquer ces robots, nous avons naturellement recours à l’impression 3D qui permet déjà d’imprimer des matières déformables ou de fabriquer ces robots par moulage.

    La robotique est une science du mouvement. La robotique  classique crée ce mouvement par articulation. Pour les « soft robots », le mouvement est créé par déformation, exactement comme des muscles. On peut le faire en insérant de l’air comprimé dans des cavités placées dans la structure déformable du robot, en injectant des liquides sous pression ou en utilisant des polymères électroactifs qui se déforment sous un champ électrique. Dans mon équipe de recherche, nous utilisons, plus simplement, des câbles reliés à des moteurs pour appliquer des forces sur la structure du robot et venir la déformer, un peu comme les tendons ou les ligaments que l’on trouve dans les organismes vivants.

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    Christian Duriez – © Inria / Photo H. Raguet

    Les domaines d’applications que nous pouvons envisager sont nombreux pour ces « soft robots » : en robotique chirurgicale, pour naviguer dans des zones anatomiques fragiles sans appliquer d’efforts importants ; en robotique médicale, pour proposer des exosquelettes ou orthèses actives qui seraient bien plus confortables que les solutions actuelles ; en robotique sous-marine pour développer des flottes importantes de robots ressemblant à des méduses, peu chères à fabriquer, et capables d’aller explorer les fonds sous-marins ; dans l’industrie, pour fabriquer des robots bon marché et robustes ou des robots capables d’interagir avec les hommes sans aucun danger ; pour l’art et le jeu, avec des robots plus organiques, capables de mouvements plus naturels…

    Mais ce qui nous intéresse aussi dans ces travaux est qu’ils sont porteurs de nouveaux défis pour la recherche. En particulier, le fait de revisiter les méthodes de design, de modélisation et de contrôle de ces robots. Nous passons d’un monde où le mouvement se décrit par une dizaine voire une vingtaine d’articulations, au maximum, à une robotique déformable qui a, en théorie, une infinité de degrés de liberté. Autrement dit, pour développer l’usage et le potentiel de ces soft-robots, il va falloir totalement revoir nos logiciels. C’est cette mission que s’est confiée notre équipe (équipe Defrost, DEFormable RObotic SofTware, commune avec Inria et l’Université Lille 1) et qui rend ces travaux passionnants et ambitieux.

    Nous souhaitons relever le défi de la modélisation et du contrôle des robots déformables : il existe des modèles issus des théories de la mécanique des objets déformables (appelée mécanique des milieux continus). Ces modèles n’ont pas de solution analytique dans le cas général et il faut passer par des méthodes numériques souvent complexes et coûteuses en temps de calcul, comme la méthode des éléments finis, pour obtenir des solutions approchées. Or, pour le pilotage d’un robot, la solution du modèle doit pouvoir être trouvée à tout instant en temps-réel, autrement dit en quelques millisecondes. Si cela est obtenu depuis longtemps pour les modèles rigides articulés, c’est une autre paire de manches pour les modèles par éléments finis. C’est le premier défi que nous devons affronter dans notre travail de recherche, mais d’autres défis, encore plus complexes, nous attendent. En voici quelques exemples :

    Une fois le modèle temps-réel obtenu, il faudra l’inverser : en effet, le modèle nous donne la déformation de la structure du robot quand on connaît les efforts qui s’appliquent sur lui. Mais pour piloter un robot, il faut, au contraire, trouver quels efforts nous devons appliquer par les actionneurs (les moteurs, les pistons, etc.) du robot, pour pouvoir le déformer de la manière que l’on souhaite. Or s’il est déjà complexe d’obtenir un modèle éléments finis en temps-réel, obtenir son inverse en temps-réel est bien plus complexe encore !

    Autre challenge : l’environnement du robot. Contrairement à une approche classique en robotique rigide où l’on cherche l’anticollision — le fait de déployer le robot sans toucher les parois de l’environnement, les robots déformables peuvent venir au contact de leur environnement sans l’abîmer. Dans certaines applications, il est même plutôt souhaitable que le robot puisse venir entrer en contact. Cependant il faut maîtriser les intensités des efforts appliqués par ces contacts et particulièrement dans des applications en milieu fragile comme en chirurgie par exemple. Un paramètre important dans ce contexte est que l’environnement va lui aussi déformer le robot. Il faut donc impérativement en tenir compte dans la réalisation du modèle. Quand l’environnement correspond à des tissus biologiques, il faut alors prévoir d’ajouter un modèle biomécanique de l’environnement…

    Un dernier exemple de défi, plus fondamental, est lié à l’utilisation de capteurs. Si l’on imite la nature, notre système nerveux nous donne un retour d’information (vision, toucher, son, etc.) qui nous aide à contrôler nos mouvements et à appréhender notre environnement. Les ingénieurs ont donc très vite pensé à équiper les robots de capteurs qui permettent de compenser et d’adapter les modèles utilisés pour les piloter. La théorie du contrôle permet de donner un cadre mathématique à ces méthodes d’ingénierie des systèmes. Or la complexité de cette théorie dépend essentiellement du nombre de variables nécessaires à décrire l’état du système et du couplage entre ces variables… Avec une infinité (théorique) de degrés de liberté, couplés par la mécanique des milieux continus, il faudra forcément revisiter cette théorie pour l’adapter.

    Bien d’autres défis sont encore à considérer comme la création de nouveaux outils de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) pour concevoir ces robots, ou la programmation de leur fabrication en lien avec l’impression 3D. Enfin, si l’on veut un jour avoir notre Baymax, en chair et sans os, capable d’être notre infirmier personnel à domicile, il faudra aussi lui apporter une certaine forme d’autonomie voire d’intelligence… mais ceci est une autre histoire !

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    Christian Duriez

    Directeur de recherche Inria (UMR CRIStAL, CNRS/Université Lille…), responsable de l'équipe DEFROST .

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