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    Nicholas Ayache et le patient numérique

    Intelligence artificielle
    Médecine & Sciences du vivant Modélisation & Simulation
    À l’âge de 13 ans, Nicholas Ayache rêvait déjà de recherche. Quand les adultes le questionnaient sur son avenir, il répondait sans sourciller vouloir participer à l’aventure scientifique. Parce qu’il subodorait une alchimie créatrice entre réflexion, action et hasard. Portrait d’un homme résolu né sous une bonne étoile.
    Nicholas Ayache

    © INRIA / Photo C. Lebedinsky

    Nicholas Ayache a déroulé ses études niçoises avec brio. L’école primaire, le lycée, une prépa… Il a tout avalé avec facilité. Son appétit pour les sciences, il le doit en partie à ses parents. « Maman était institutrice et mon père, bien que non scientifique, possède un esprit sceptique qui encourage, je crois, la démarche scientifique ». Si son frère cadet opte pour la philosophie, Nicholas Ayache embrasse le vaste monde de la science.

    Son diplôme de l’École des mines de Saint-Étienne en poche, il file à Los Angeles et obtient un master en intelligence artificielle à l’UCLA. Il pense trouver sur place un sujet de thèse assez novateur, mais décroche finalement son bonheur en France.

    « J’ai été séduit par la proposition d’Olivier Faugeras de travailler sur la reconnaissance des formes à l’INRIA ». Après une thèse d’état en vision stéréoscopique à Paris XI, il a l’idée de dédier l’analyse des images au domaine médical. « J’avais pas mal hésité en terminale entre la médecine et la recherche scientifique. En 1988, j’ai fait d’une certaine manière le lien. Pouvoir appliquer la recherche au monde médical, essayer de créer des produits utiles aux hôpitaux et aux patients sont des objectifs très gratifiants ». Car son objectif est bien de servir les médecins pour leur diagnostic et leur pratique thérapeutique. Fin 1988, à 30 ans, il crée à Rocquencourt sa première équipe de recherche qu’il baptise Epidaure, en hommage au sanctuaire de la médecine grecque. Il définit son programme de recherches, peaufine ses objectifs scientifiques, recrute ses chercheurs, assure la gestion financière.

    En 1992, il déménage à Sophia Antipolis et poursuit son odyssée scientifique. Avec sans cesse en mémoire « de se fixer des objectifs ambitieux et d’avoir l’envie de changer ce que l’on nomme dans notre jargon l’état de l’art ». Car il s’agit de dépasser les acquis, nourrir l’intuition, évaluer les objectifs, visualiser le fondamental. D’autant que depuis environ vingt ans, la problématique du couple informatique et imagerie médicale a fortement évolué. Du reste, l’INRIA demande à ses directeurs de recherche de se fixer des objectifs sur une période maximale de 12 ans, révisables tous les 4 ans à l’occasion d’un examen présidé par des experts internationaux.

    Tractographie d'un patient superposée avec une IRM anatomique

    Tractographie d’un patient superposée avec une IRM anatomique. © INRIA / ASCLEPIOS

    Alors en 2005, après 12 ans et trois évaluations réussies, Nicholas Ayache intitule son nouveau laboratoire Asclepios, en référence au dieu de la médecine qui soignait les pèlerins à Epidaure. Entre-temps, les technologies ont fait un bond prodigieux. En 1989, travailler sur des images du corps humain en 3 D relevait de l’exceptionnel. Son équipe analysait alors des coupes, du type scanner ou IRM, et le continuum qu’offrait la 3 D représentait un défi formidable. Avec le boom informatique de ces dernières années, ses quelque trente chercheurs travaillent sur l’imagerie interventionnelle. « Nous procédons à des modèles virtuels des organes personnalisés des patients. Nous traitons l’image en temps réel, résume Nicholas Ayache, nous pouvons imaginer de construire le modèle d’un cœur aussi proche que possible de celui d’un patient en cours d’analyse, ce qui permet d’envisager des simulations de thérapie, comme la pose d’un pacemaker ».

    L’homme peut savourer son parcours. À la tête d’un des plus gros laboratoires mondiaux dans le domaine de l’analyse et de la simulation des images multidimensionnelles biologiques et médicales, il travaille avec des partenaires académiques, cliniques et industriels pour créer des algorithmes à l’origine d’applications concrètes dans les domaines de la neuro-anatomie, neurooncologie, cardiologie interventionnelle ou encore chirurgie digestive. Pour sa compréhension du fonctionnement du corps humain par l’informatique et l’imagerie médicale, pour son appréhension d’une pathologie et de son évolution, pour son approche du développement d’une thérapie, bref pour tout son travail autour du « patient numérique personnalisé », Nicholas Ayache a reçu le Grand Prix Eads en 2006 et le prix Microsoft en 2008 décerné à Londres par la Royal Society et l’Académie des sciences.

    Il aurait pu savourer ces honneurs et se satisfaire de sa renommée internationale. Cependant, Nicholas Ayache est un passionné. Alors, il s’attache à appliquer et valoriser ses recherches, s’intéresse à la partie Recherche et développement, comme partenaire ou consultant, et transfère ses résultats vers le monde industriel. « C’est le meilleur vecteur de nos découvertes vers une application concrète. Nous travaillons fréquemment avec trois grands constructeurs mais aussi avec de nombreuses petites entreprises s’intéressant au traitement des images ou à des applications spécifiques ». Pas étonnant qu’il participe régulièrement à la création de start-up, comme Quantificare « créée par un chercheur de l’équipe » ou Mauna Kea Technologies « avec laquelle l’équipe interagit beaucoup ».

    Il est aussi membre de conseils scientifiques en France et à l’étranger, enseigne comme professeur associé à l’École centrale de Paris et à l’École normale supérieure de Cachan, publie livres et articles, dirige des thèses. Sans compter son poste de co-fondateur d’une conférence annuelle internationale et de rédacteur en chef de la revue Medical Image Analysis. Bref, Nicholas Ayache est sur tous les fronts pour promouvoir et structurer sa discipline. Quand il lui reste un peu de temps pour lui, il aime bien profiter de sa région, du ski l’hiver et de la planche à voile l’été. Comme il l’avoue, « je suis content de revenir le week-end pour retrouver ma famille ». On le croit sur parole !

    Cet article est paru dans la revue DocSciences n°13 Informatique et médecine, éditée par le CRDP de l’Académie de Versailles en partenariat avec l’INRIA.

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    Camélia Delgrange

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