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    Plongée dans la réalité virtuelle

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    Avec des lunettes spéciales sur le nez, on voit des objets virtuels en 3D. En passant une bague au bout de son doigt, on peut même les toucher : carrosserie et accessoires de voiture, outils de travail... La réalité virtuelle progresse à grands pas.
    Manipulation d'un volant virtuel en 3D

    Manipulation d’un volant virtuel en 3D (Photo : G. Pigot © INRIA – données : Renault).

    L’expérience est unique, impressionnante : muni de lunettes spéciales, on voit jaillir un habitacle de voiture, une forme virtuelle en trois dimensions. Mieux : on peut la manipuler au moyen d’un rayon tout aussi virtuel, la tourner dans tous les sens. Nous sommes près de Grenoble, dans le laboratoire de l’équipe i3D (pour interaction 3 dimensions) dirigée par Sabine Coquillart. « Maintenant, vous allez toucher les objets que vous avez vus grâce à un retour haptique », propose la chercheuse. « Haptique » vient du grec « toucher ». Effectivement, en passant le doigt dans une bague reliée à des fils, on arrive à suivre les contours d’un volant virtuel en 3D, au relief saisissant, sans possibilité de le traverser.

    Bien sûr, il y a l’informatique. Mais pour adapter ce « workbench » (« plan de travail ») qui est un premier prototype de travail, les scientifiques ont dû faire preuve d’ingéniosité : étais de maçons, épingles de couturière, fils de pêche, petits moteurs issus de la robotique… Les chercheurs rivalisent d’astuces pour mettre en place leurs expériences.

    Des images plein les yeux

    workbench

    Schéma du workbench (Image Arghyro Paouri).

    Comment fonctionne ce surprenant plan de travail virtuel ? D’abord il y a les écrans : on en compte deux, placés à 90° l’un de l’autre, le premier à l’horizontale comme un plan de travail, le second au-dessus, vertical. L’image provient de deux gros projecteurs. La qualité est impressionnante : la résolution est celle d’un bon écran d’ordinateur, pour une taille bien supérieure : 1 m 80 par 1 m 10 pour chaque écran. La vision en 3D est possible grâce à des lunettes stéréoscopiques. Pour voir en relief, notre cerveau utilise le décalage de position entre les deux yeux. La vision stéréoscopique utilise ce principe. Les lunettes sont synchronisées avec l’affichage des écrans. L’image correspondant au point de vue de l’œil droit est projetée, en même temps que le verre de l’œil gauche est très brièvement obturé par polarisation. Puis c’est au tour de l’image de l’œil gauche d’être projetée tandis que le verre du droit est assombri. L’alternance entre les deux yeux et les deux images est si rapide qu’on ne la perçoit pas. La fréquence est en effet de 96 Hz (soit 48 images par seconde pour chaque œil, ce qui correspond à peu près à la fréquence d’une télévision classique).

    La visualisation évolue réellement en fonction du point de vue de l’utilisateur, grâce à la présence sur les lunettes d’un capteur électromagnétique qui permet au système de déterminer la position de la tête de l’expérimentateur et d’adapter l’angle en fonction : on peut se pencher pour regarder l’objet virtuel de côté.

    On pense aux jeux vidéos, mais aujourd’hui, les principales applications se trouvent dans l’industrie. « Nous avons travaillé avec l’industrie aéronautique, et nous collaborons de manière très fructueuse avec l’industrie automobile », précise Sabine Coquillart.

    acces au film

    Simulation de la pose de joints
    (Photo Jim Wallace © INRIA – données : PSA-Peugeot Citroën).

    Michaël Ortega est l’un des doctorants de cette équipe d’une demi-douzaine de scientifiques. Il effectue une thèse cofinancée par un industriel : PSA-Peugeot Citroën. Dans un coin de la salle du workbench 3D trône une partie de la carrosserie de la dernière voiture du constructeur : la 1007. Le travail de Michaël consiste à réaliser une simulation en réalité virtuelle de la pose de joints sur cette partie de la carrosserie. « C’est une étape délicate dans la construction d’une voiture. La réalité virtuelle permet de tester les manipulations avant de mettre en place la chaîne de montage », raconte le jeune chercheur. On s’y croirait : la carrosserie en 3D apparaît face à nous, et avec un vrai pistolet pour la pose de joints, relié à des câbles, on applique une couche de mastic virtuel sur une carrosserie virtuelle… mais avec toutes les sensations du réel ! On glisse le long des tôles, on dérape sur les aspérités… Le résultat est saisissant.

    Le virtuel à portée de main

    Autre axe de recherche : la perception humaine. Les chercheurs collaborent avec des spécialistes de la cognition et des psychologues, afin de mieux comprendre le fonctionnement du toucher, par exemple, pour améliorer les systèmes virtuels.

    Les applications de cette réalité virtuelle ne semblent avoir de limites que celles de l’imagination. Pourquoi pas des musées virtuels où l’on pourrait manipuler virtuellement des objets rares… Ces systèmes peuvent permettre des collaborations à distance, voire des simulations pour la médecine ou l’exploration d’environnements dangereux. Avec la baisse du prix des équipements et l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs, il faut s’attendre à un développement de la réalité virtuelle. Acheté en 1998, le workbench 3D utilise un calculateur coûteux prenant la place de deux gros frigos, en cours de remplacement par quatre PC un peu gonflés… Ça, c’est bien réel.

    Une première version de cet article est parue dans la brochure Les sciences du numérique publiée avec la revue Phosphore de décembre 2005.

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    Frédéric Vladyslav

    Journaliste scientifique.
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