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    Idée reçue : L’informatique, c’est forcément écologique !

    Environnement & Planète
    L'informatique et Internet peuvent-ils permettre de réduire notre empreinte écologique ? Ou au contraire la font-ils empirer ? Quelle place pour l'informatique sur une planète en équilibre, où toutes les ressources seraient renouvelées ?

    Figurez-vous que si tous les humains avaient le niveau de vie d’un Français moyen, la Terre s’épuiserait en quelques mois. Actuellement, l’humanité consomme quatre à six fois plus de ressources que ce que la planète peut fournir de manière renouvelable (énergie, ressources agricoles) sans compter les ressources non-renouvelables comme les minerais.

    L’informatique, une approche écologique…

    Illustration : Vivian Fayard

    Il est vrai que, si au lieu de me déplacer en chair et en os, j’utilise les réseaux et les systèmes de visioconférence, j’économise de l’énergie et du temps !

    L’informatique nous aide aussi à surveiller notre environnement, à en observer les paramètres pour cerner l’ampleur de la crise climatique, et mieux prendre la mesure de la situation.

    L’informatique et l’automatique nous offrent la possibilité de concevoir des systèmes mieux régulés, qui consomment moins d’énergie. Elles devraient ainsi permettre de mettre en œuvre des solutions alternatives délicates à produire sans ces technologies. Dans le domaine des transports par exemple, on pourrait s’ouvrir à des solutions inédites inconcevables avant l’ère numérique, ou bien envisager l’optimisation des transports collectifs actuels en remplacement du transport individuel.

    La dématérialisation des objets de notre environnement — par exemple, les fichiers de musique MP3, les journaux et autres documents qui passent du papier au numérique — permet d’éviter de puiser dans les ressources naturelles (par exemple, le bois pour le papier) et de générer des déchets.

    L’évolution récente de l’informatique la rend plus parcimonieuse que par le passé. Les machines imposantes ont laissé la place à de petits ordinateurs portables, les énormes systèmes informatiques se trouvent rassemblés et globalisés. Ainsi, une entreprise préférera utiliser un service web plutôt que de développer un parc informatique local.

    En privilégiant de nouveaux outils de visioconférence pour organiser des réunions virtuelles, des services administratifs en ligne, des rencontres et des jeux collectifs en réseau, des visites virtuelles proposant la découverte des plus beaux lieux touristiques via des environnements immersifs, on constate une démobilisation des ressources consommées par le passé, transport et énergie liés aux structures administratives lourdes. L’utilisation des outils numériques nous oblige à une restructuration de nos méthodes de travail, ce qui peut nous faire prendre conscience du besoin de penser autrement face à ces enjeux. Nous découvrons alors qu’il est possible de changer nos habitudes de vie, de profiter d’un « consumérisme vert ».

    … mais quelle consommatrice d’énergie !

    La consommation d’énergie de l’informatique est celle qui augmente le plus actuellement : en 2008, elle a dépassé celle du transport aérien !

    La construction d’un nombre croissant d’ordinateurs et de téléphones portables conduit à un épuisement des ressources naturelles, y compris des ressources rares (argent pour les conducteurs, composants pour les batteries…). Figurez-vous que la construction d’une puce électronique de 2 g nécessite 1700 g de diverses matières.

    Leur consommation énergétique est aussi bien plus élevée que nous ne le supposons : par exemple, une requête sur Google consomme la même énergie que celle nécessaire à faire chauffer l’eau pour une tasse de thé. Et le « bilan carbone » à la fois de la production et de l’utilisation de ces appareils est énorme.

    Cette situation est aggravée par les politiques commerciales : rétention des avancées technologiques pour forcer à racheter régulièrement de nouveaux appareils plus performants, développement d’appareils gadgets à usage unique alors que l’informatique permet justement de mutualiser les usages sur une machine universelle, développement d’interfaces non-standard (par exemple, les chargeurs de téléphones incompatibles entre eux) conduisant à la multiplication des accessoires. D’autant que les composants utilisés conduisent à une forte production de déchets et à la diffusion de déchets toxiques. Un téléphone portable utilisé six heures par mois pendant deux ans va consommer autant d’énergie qu’un avion sur vingt km. Et lorsqu’ils arrivent en bout de course, ces appareils jetés à la poubelle conduisent à rejeter deux fois plus de déchets toxiques qu’auparavant.

    Par ailleurs, les produits issus des nouvelles technologies s’ajoutent aux produits existants précédemment et participent à la sempiternelle croissance de la demande. Le commerce électronique entraîne une augmentation des transports rapides et des emballages, ce qui génère une consommation énergétique moins visible mais néanmoins bien réelle.

    Alors, comment rendre les TIC plus écologiques ?

    Deux pistes s’offrent à nous :

    • La réglementation, qui doit contrecarrer les effets commerciaux pervers, où l’intérêt commercial local contredit l’intérêt général. Par exemple, l’Union européenne impose maintenant des chargeurs de téléphones portables universels, mesure qui devrait conduire à réduire le nombre de ces accessoires.
    • La prise de conscience collective que l’éloignement des sites de production et de recyclage ne rend pas moins terrible l’impact des technologies de l’information et de la communication sur la planète.
      La réalité des choses nous conduira de toutes façons à le prendre en compte. Par exemple, la raréfaction des ressources utilisées va obliger à la parcimonie, l’augmentation des coûts de l’énergie conduira à une autorégulation. Au point qu’il n’y a peut-être pas lieu de s’inquiéter, me direz-vous ! Non, juste attendre passivement qu’il soit trop tard. À moins que…
    • Berkhout & Hertin, Impacts of Information and Communication Technologies on Environmental Sustainability : speculations and evidence – Report to the OECD, 2001
    • Françoise Berthoud, Jean-Daniel Dubois, Marion Michot : Comment évalue-t-on les impacts de l’informatique ? Journée « Informatique et environnement » du 17 mars 2009. Voir les diapositives de la présentation (en PDF, 1,4 Mo).
    • Documents du Groupe de travail EcoInfo
    • Henri Breuil, Daniel Burette, Jean Cueugniet, Bernard Flüry-Hérard, Denis Vignolles : Rapport TIC et Développement durable, 96 pages (voir le PDF, 720 Ko).
    • Rapports de recherche et travaux d’expertise.
    • Projet E-dechets : Écologie des infrastructures numériques, 127 pages (voir le PDF, 1,9 Mo).
    • Gilles Berhault : Développement durable 2.0, l’Internet peut-il sauver la planète ?, Éditions de l’Aube (janvier 2009).
    • Informatique et développement durable, une présentation de Wikipedia.

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    Philippe Mussi

    Chercheur dans l'équipe Inria MASCOTTE.
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