Idée reçue : Un ordinateur, c’est une machine intelligente
C’est d’ailleurs le pari engagé autour de l’intelligence artificielle dès le début de l’informatique, que de doter les systèmes informatiques de capacités de traitement de l’information comparables, voire supérieures, à celles des hommes.
Un programme informatique qui joue aux échecs ou un robot capable de s’adapter à l’environnement, voire de simuler des manifestations liées aux sentiments (colère, tristesse, joie, etc.), possèdent apparemment un certain degré d’« intelligence ».
Mais de quelle intelligence s’agit-il ?
Cette question en évoque une autre : qu’est-ce que l’intelligence ? Ce vaste sujet est de nature philosophique, nous ne chercherons donc même pas à en discuter ici.
Arrêtons-nous plutôt un instant sur le débat qui anime la communauté des chercheurs en informatique depuis de nombreuses années et résonne dans l’imaginaire collectif.
L’informatique est-elle capable de reproduire des formes d’intelligence humaines ? la réponse est oui… mais l’« intelligence » d’un programme informatique est limitée à un domaine de compétence bien particulier.
Par exemple, des ordinateurs programmés pour jouer aux échecs sont aujourd’hui capables de battre le champion du monde mais ils se feraient battre par un enfant à un simple jeu de devinettes, tout simplement parce que les connaissances qui sont stockées dans leur mémoire, et les stratégies qui sont codées dans leur programme sont spécifiques aux règles du jeu d’échecs. Certes, il suffit de les remplacer par d’autres connaissances et d’autres stratégies pour rendre l’ordinateur capable de jouer au jeu de dames ou au jeu de go. Mais, la machine ne sera pas pour autant intelligente, elle aura été « programmée » pour cette expertise.
Autres exemples, des résultats ont été obtenus dans le domaine de la reconnaissance de la parole ou de l’écriture.
De même sait-on aujourd’hui formaliser certaines formes de connaissances sémantiques et les manipuler grâce à l’informatique, on parle d’ontologie.
Si les programmes informatiques sont capables de battre des humains aux échecs, voire même au go, c’est grâce aux progrès de l’algorithmique, qui permet de s’attaquer à des problèmes de plus en plus complexes.
Algorithmes manipulant des représentations de nos connaissances sous forme de modèles soit du monde naturel soit de systèmes artificiels, algorithmes basés sur des outils mathématiques complexes (par exemple la programmation par contraintes), algorithmes inspirés de la théorie de l’évolution, algorithmes s’inspirant de la biologie et de notre compréhension actuelle de l’intelligence naturelle… de nouvelles méthodes mises au point par les chercheurs améliorent sans cesse les capacités de nos ordinateurs.
En particulier, les techniques d’apprentissage automatique rendent les ordinateurs capables d’« apprendre » ou de « découvrir » des heuristiques et des stratégies gagnantes en analysant les résultats positifs ou négatifs d’expériences.
De là, les tenants de l’intelligence artificielle « forte » pensent qu’on peut doter les ordinateurs d’introspection et de conscience, comme en témoigne Jacques Pitrat.
Les partisans d’une intelligence artificielle « faible », à l’exemple de John Searle avec son argument de la chambre chinoise, ne voient dans l’ordinateur qu’un outil… pour programmer des systèmes informatiques qui, reproduisant une expertise pointue dans un domaine spécialisé, peuvent être qualifiés de systèmes « intelligents ».
Pour en savoir plus, lire aussi un petit livre qui recense les idées reçues sur l’intelligence artificielle.
Parmi les idées reçues précédentes : Les ordinateurs ne se trompent jamais.
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Marie-Christine Rousset
Professeur à l'Université Joseph Fourier (Grenoble 1), chercheuse en bases de données et représentation de connaissances.